⁢a. Les 27 messages de la « Journée mondiale de la paix »

Comme nous allons le constater, Jean-Paul II reprend l’enseignement de ses prédécesseurs immédiats en développant et ajoutant certains aspects. Il s’agit encore et toujours d’éviter la guerre⁠[1] et surtout d’éduquer à la paix.

Eviter la guerre

La guerre ne cesse d’être présente dans le monde et elle menace, par le progrès de l’armement scientifique, d’être toujours plus sauvage et destructrice. De plus, par le terrorisme ou des méthodes insidieuses et subversives, des guerres larvées traînent en longueur. Pour éviter la catastrophe et construire une société‚ vraiment humaine, il faut tendre à l’interdiction absolue de la guerre.

Par quels moyens évitera-t-on la guerre ?

  1. Par le dialogue et la diplomatie (1982-1983)

Pour préparer une véritable paix, la maintenir ou la rétablir, le dialogue est nécessaire, l’histoire en témoigne.

Aujourd’hui, ce dialogue est particulièrement difficile, vu la complexité des problèmes, leur gravité et leurs implications. Il est difficile aussi parce qu’il réclame, de part et d’autre, bon nombre de vertus : sincérité, loyauté, compréhension, respect de l’autre, patience et générosité.

Toutefois, les hommes sont capables de dépasser leurs divisions. Aussi le dialogue est-il possible dans la recherche de la vérité, de la justice et de ce qui est commun aux hommes. A condition, bien sûr, qu’ils abdiquent égoïsme, volonté de puissance et mensonge, qu’ils renoncent aux idéologies où la force et la lutte remplacent la raison, comme aux conceptions outrancières de la souveraineté et de la sécurité de l’État.

Ce dialogue, qui est l’oeuvre particulière des chefs d’État et des diplomates, est facilité lorsqu’il est appuyé par une opinion publique éclairée et formée. Ainsi existent aujourd’hui des mouvements pour la paix importants et populaires. Leurs fondements idéologiques, leurs projets et propositions sont divers. Certes, ces mouvements peuvent souvent prêter le flanc à des manipulations partisanes. Il n’empêche qu’ils témoignent d’un désir de paix profond et sincère.

Le dialogue peut être aidé par la médiation de pays plus puissants, d’organisations internationales ou du Saint Siège.

Les organisations internationales, l’ONU en particulier, ont des faiblesses. Elles sont l’objet de tentatives de manipulations, elles connaissent des crises internes et ne sont pas suffisamment efficaces puisqu’elles n’ont pas de pouvoir de contrainte. Mais, par leur existence même, elles unissent et associent les États. Elles jouissent d’une autorité morale et juridique qui doit être renforcée pour soumettre, dans la recherche de la paix, les programmes, les systèmes, les régimes à une révision continuelle, en fonction du bien de l’homme.

Le Saint Siège, depuis des siècles, jouit d’une souveraineté limitée territorialement, mais indispensable au libre exercice de sa mission. Le Saint Siège jouit d’une autorité spirituelle et morale qu’il met au service de la paix. Sans intérêts matériels propres à défendre, il inspire confiance à de plus en plus de nations, même non chrétiennes. Il apporte son aide diplomatique et s’efforce de faire adopter le dialogue comme le moyen le plus apte à surmonter les différends.

Un exemple d’intervention : la médiation du Saint Siège a été demandée en 1979 par les gouvernements chilien et argentin pour tenter de résoudre leur différend frontalier dans la zone du canal de Beagle. Le Saint Siège a accepté, fort des volontés fermes manifestées par les deux parties de ne pas recourir à la force. Les négociations ont abouti à un traité ratifié le 2 mai 1985, au Vatican, en présence du Pape. (1982)

\b. Par l’établissement d’une autorité universelle

Pour garantir, à tous les peuples, la sécurité, le respect de la justice et des droits, l’institution d’une autorité publique universelle, reconnue par tous et dotée de pouvoirs efficaces serait évidemment souhaitable.

En attendant…

L’institution d’une autorité universelle peut apparaître comme lointaine. Aussi, en attendant, le recours aux armes est-il légitime, en principe, et peut être même nécessaire, pour défendre les justes droits des peuples.⁠[2]

La défense est légitime (1983), en principe et sous des conditions strictes et exigeantes:

  • il faut qu’aient été faits tous les efforts possibles pour trouver une solution pacifique ;

  • il faut aussi qu’il y ait proportion entre le bien à défendre et les maux entraînés par la guerre ;

  • il ne faut pas que le but soit, au delà de la défense, d’imposer son empire à d’autres ;

  • la guerre juste commencée, tout n’est pas licite pour autant : serait criminel tout acte de guerre qui tendrait indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants, ou encore, à l’élimination d’un peuple, d’une nation ou d’une minorité ethnique ;

  • il faut respecter les conventions relatives au sort des blessés, des prisonniers.

Un état a donc le droit et le devoir d’organiser un service militaire et d’appeler les citoyens à la légitime défense.

Mais, pour respecter les consciences, l’État pourvoiera également au cas de ceux qui refusent l’emploi des armes, à condition cependant qu’ils acceptent de servir la communauté sous une autre forme.

De même, sont louables ceux qui renoncent à la violence et qui, pour la
sauvegarde des droits, recourent à des moyens de défense accessibles aux plus faibles, sans nuire aux droits et aux devoirs des autres ou de la communauté.

Le problème de la dissuasion

Les armes atomiques, par leurs conséquences effroyables et durables, par la difficulté de les contrôler, accentuent l’importance des principes évoqués plus haut.

Mais, la réalité est telle aujourd’hui que l’arme nucléaire est considérée comme l’arme de dissuasion typique. Aussi, à défaut d’une concorde fondée sur la loyauté et la justice plutôt que sur la force, on ne peut condamner le recours à une dissuasion non indiscriminée comme moyen de défendre la sécurité et résister à d’injustes agressions. Dans le même temps, il est indispensable de préparer le changement de la situation qui, actuellement, justifie cette dissuasion.

La réduction des armements

La recherche d’un équilibre des forces n’est pas un moyen sûr de préserver la paix, car chacun cherche toujours à s’assurer une certaine marge de supériorité, de crainte de se trouver désavantagé. Cette logique relance sans cesse plus dangereusement la course aux armements et pousse les états à détourner des sommes considérables qui pourraient subvenir à bien des misères.

Cette tendance doit donc être inversée. Le désir d’une paix juste et stable demande au moins une réduction mutuelle des armes de tous types, progressive et vérifiable. (1985)

Plus profondément et plus durablement, il faut éduquer à la paix (1979 et 2004).

La paix est bien, comme le disait saint Augustin, le plus doux, le plus désirable et le meilleur des biens terrestres auquel tous les hommes aspirent. La paix est la tranquillité et la plénitude de l’ordre voulu par Dieu, tel qu’il est inscrit dans la nature humaine. ⁠[3] Toutefois, cet ordre, don de Dieu, compromis dès l’origine par le dérèglement de la conscience, doit être mérité et conquis chaque jour par l’effort de tous les hommes. (1982) Dans cette construction, la femme a un rôle tout particulier à jouer. (1995)

La paix est un bien de nature rationnelle et morale, qui suppose le respect de la vérité, de la liberté, de la justice et de l’amour. (2003 et 2005)

La vérité objective et universelle sur l’homme révèle et opère l’unité de l’homme avec Dieu, avec lui-même et avec les autres. Sans un accord sur le discernement du bien et du mal et sur les valeurs de vie, dont Dieu est la source et le garant, pas de paix à espérer ! C’est pourquoi il faut refuser tout mensonge sous quelque forme que ce soit, ainsi que les idéologies où la force est source du droit et la lutte considérée comme moteur de l’histoire. (1980)

La liberté est un droit fondamental lié à la dignité transcendante de l’homme, qui a la faculté de se déterminer et de choisir, en fonction du vrai et du bien, les valeurs auxquelles il adhère de manière responsable. La liberté est aussi un devoir à assumer à l’égard des autres, qui doivent être respectés dans leurs droits. Pour la paix, il faut promouvoir la liberté ainsi définie, qui ne peut se confondre avec la recherche insatiable et égoïste de biens matériels ni avec la licence, qui fait fi de toute référence aux valeurs morales. (1981) La liberté religieuse, en particulier, a une incidence spécifique sur l’idée de paix (1988) dans la mesure où elle s’enracine dans la conscience des hommes. (1991)

La justice reconnaît la dignité et l’égalité fondamentale des hommes. Elle implique le respect effectif des droits de la personne et l’accomplissement loyal des devoirs qui y sont attachés. (1999) Ainsi seront évitées nombre de frustrations, source de violence. (1984) On sera tout particulièrement attentif à respecter les minorités : toute personne jouissant d’une dignité inaliénable. (1989) On sera aussi attentif à tous les aspects de la justice sociale (1998) non seulement sur le plan national mais aussi sur le plan international, les hommes étant appelés à former une seule famille. (2000)

Mais la justice ne suffit pas à construire la paix. Elle peut conduire à sa propre négation et à sa propre ruine si elle ne s’allie pas à l’amour, qui invite à la bienveillance, à la disponibilité, au dialogue, au partage, au pardon et à la réconciliation. (2002)

Au plan personnel (1983-1984)

La paix ne peut gagner la société que par une réforme personnelle, où chaque homme rétablit d’abord en lui la hiérarchie des valeurs qui est le reflet de la volonté divine. En effet, le premier obstacle à la paix gît dans le péché de l’homme, en particulier dans le dérèglement d’une conscience qui appelle bien ou mal ce qu’elle entend choisir au gré de ses intérêts matériels ou de sa volonté de puissance.

Sans une conversion du cœur, toute paix est illusoire.

Comment y parvenir ? (1979)

Par une éducation, dès l’enfance (1996), aux valeurs morales : loyauté, fidélité aux engagements pris, honnêteté, justice, tolérance, respect des autres (de leur vie, de leurs conditions de vie, de leur race), partage, solidarité, pardon, humilité.

Par la méditation d’exemples historiques ou actuels d’hommes ou de peuples artisans de paix.

Par l’emploi d’un langage pacifique, qui bannit l’ironie acerbe et évite de tout exprimer en termes de rapports de forces, de lutte.

Par le souci d’écouter, de comprendre avec douceur et confiance.

Par des gestes quotidiens de camaraderie, de conciliation et de réconciliation.

Par un mode de vie plus simple, qui freine les instincts de possession, de consommation et de domination.

Par l’approfondissement du sentiment religieux.

Au plan social

Le renouveau intérieur incessant dont nous venons de parler libère l’homme du péché et de ses conséquences sociales. Il doit accompagner l’effort à fournir pour transformer la société.

Là aussi, la paix est le fruit d’un ordre voulu par Dieu et qui doit être réalisé par des hommes aspirant sans cesse à plus de justice.

Selon cet ordre social, il faut tenir compte de la valeur de chaque personne et de chaque groupe, des exigences du bien commun, de la sauvegarde des droits humains et de la priorité de l’être sur l’avoir. Cet ordre bannit la violence et les discriminations sociales, économiques et politiques.

Reste à distinguer force et violence

La paix ne peut être confondue avec un faux irénisme (1981). Elle exige une force authentique pour dominer les conflits et les obstacles. Au plan personnel, chacun doit ainsi contrôler ses passions et la société a besoin d’une autorité vigilante.

qu’est-ce que la force ?

La force est un moyen ou un instrument essentiel pour le droit positif. Organisée et ordonnée aux fins du droit, elle n’est plus simplement force physique mais encore et surtout de la justice au concret, aussi bien dans le domaine public que dans le domaine privé, en cas de légitime défense par exemple.

qu’est-ce que la violence ?

La violence, en général, est la violation d’un ordre fondé sur le droit naturel.

Ainsi sont donc condamnables les formes élémentaires de la violence : la torture, les détentions arbitraires, les exécutions sommaires, les « disparitions » organisées, le terrorisme, l’avortement, l’euthanasie, mais aussi les formes subtiles ou larvées de la violence.

Par exemple :

  • Dans le système d’apartheid, la discrimination raciale institutionnalisée nie l’égalité fondamentale de tous les hommes et engendre des violences. La solution à ce problème doit être non violente et bilatérale.

  • Dans les idéologies qui, bâties sur une fausse vision de l’homme, font de la lutte un moteur du progrès. (1984)

  • Dans les familles. La paix ne peut exister dans une nation si les familles sont divisées, incapables de surmonter les conflits et si l’on accepte la désintégration du mariage.(1993)

  • Dans l’information manipulée, partiale et déformée ou la propagande sectaire.

  • Dans l’injuste répartition des richesses, des pouvoirs et des responsabilités.(1985)

  • Dans les discussions et négociations professionnelles, sociales ou politiques où l’on se laisse aller à l’indignation sélective, à l’insinuation perfide, au discrédit systématique de l’adversaire, au chantage, à l’intimidation, ou bien au silence résigné et complice, à la compromission partielle, ou encore à des réactions irraisonnées, à la contestation et à la revendication systématiques.

  • Dans l’imprévoyance et la superficialité des responsables. Il faut s’attaquer aux racines de l’injustice et des conflits.

  • Dans une gestion de l’environnement et du patrimoine commun qui ferait fi de toute raison et de toute solidarité. (1990)

Il faut, au contraire, dans ces rencontres, en appeler à la raison, au coeur, à la conscience, ne pas discréditer tous les aspects même justes et bons de l’action adverse, mais reconnaître la part de vérité qu’il y a dans toute oeuvre humaine. Le vrai progrès a besoin d’une force résolue, patiente et prudente dans l’acceptation mutuelle. En particulier, chez les croyants, l’ « esprit d’Assise » doit rayonner appuyé sur la force de la prière, le dialogue œcuménique et interreligieux. (1991) Et tous les hommes, croyants ou non, sont appelés à un vaste dialogue culturel qui, dans le respect de la diversité, cherchera les valeurs communes. (2001)

Dans les oppositions, notamment, découvrir et sélectionner les différents éléments de vérité et les reconstituer dans leur unité indivisible pour pouvoir exprimer toute leur profondeur. Il faut aussi prévoir : prendre en compte les aspirations nouvelles compatibles avec le bien, repérer à temps les conflits latents, rouvrir en temps opportun des dossiers sur des problèmes momentanément neutralisés par des lois, des accords qui ont servi à éviter leur exaspération.

Les inégalités sociales criantes doivent être rabotées. La pauvreté, sous toutes ses formes, est une source de conflits, il faut donc avec l’esprit de pauvreté aller à la rencontre des pauvres. (1992)

L’ensemble de ces exigences nous montre finalement que la paix est le fruit d’un ordre personnel et social, de l’ordre voulu par Dieu dans tous les aspects de notre vie personnelle et sociale ce qui revient à dire que la paix est le fruit de l’évangélisation intégrale des hommes, de leur conversion personnelle au Christ rédempteur et miséricordieux qui pardonne et qui réconcilie (1997) et de la mise en œuvre dans tous les champs d’activités de la doctrine sociale de l’Église. (1980-1981).

Au soir de sa vie, le 1er janvier 2004, le pape Jean-Paul II faisait le bilan des 36 messages déjà donnés par l’Église au monde. 36 messages qui, pour lui, représentaient « les différents chapitres d’une véritable « science de la paix ». » Et voici comment il jugeait son apport personnel : « j’ai appelé les hommes de bonne volonté à réfléchir sur différents aspects d’une convivialité ordonnée, à la lumière de la raison et de la foi ». Il ajoutait : « C’est ainsi qu’est ainsi qu’est née une synthèse de la doctrine sur la paix, une sorte de lexique concernant ce sujet fondamental : un lexique simple à comprendre pour qui a l’esprit bien disposé, mais en même temps extrêmement exigeant pour toute personne sensible au sort de l’humanité. » Et il semblait, en ce qui le concerne du moins, clore son apport doctrinal en « écrivant : « Les différentes facettes du prisme de la paix ont désormais été largement illustrées. Il reste maintenant à travailler pour que l’idéal de la convivialité pacifique, avec ses exigences précises, entre dans la conscience des individus et des peuples. Nous chrétiens, nous ressentons l’engagement à nous éduquer nous-mêmes, ainsi que les autres, à la paix comme faisant partie du génie même de notre religion. Pour le chrétien, en effet, proclamer la paix c’est annoncer le Christ qui est « notre paix (Ep 2, 14), c’est annoncer son Évangile, qui est « l’Évangile de la paix » (Ep 6, 15), c’est appeler tous les hommes à vivre la béatitude invitant à être des « artisans de paix » (cf. Mt 5, 9). »

Est-ce à dire que l’Église se tairait désormais ? Certes non. Le 1er janvier 2005, Jean-Paul II donnait son dernier message et, l’année suivante, comme on va le voir, Benoît XVI prenait le relais. L’essentiel a été dit durant toutes ces années mais il est bon de le redire et de l’approfondir, de le confronter sans cesse à la triste actualité. Il n’empêche que l’action doit suivre le discours, qu’il faut à un moment laisser le texte pour l’incarner dans la réalité.


1. JEAN-PAUL II, Message pour la Journée mondiale de la Paix, 1er janvier 1979 : « Les affaires humaines doivent être traitées avec humanité, non avec violence. Les tensions et les conflits doivent être résolus par des négociations raisonnables et non par la force. Le recours aux armes ne doit pas être considéré comme le juste moyen pour régler des conflits. Les droits humains inaliénables doivent être sauvegardés en toutes circonstances. […] Dans les manifestations en terme de force, de lutte de classes ou de groupes, une atmosphère propice est créée pour dresser des barrières sociales, pour exprimer du mépris, de la haine, du terrorisme, en cachette ou de manière ouverte. Or l’humanité a besoin au contraire de visions de paix, de parler le langage de la paix, de faire les gestes de paix. »
2. Pour comprendre le droit à la légitime défense, nous pouvons confronter les définitions de Carl von Clausewitz (général prussien, 1780-1831) et de J. Comblin. Pour CLAUSEWITZ, « La guerre est (…) un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté » ( De la guerre, Union générale d’éditions, 1955, livre I, chap. I, § 2, p. 40) ; « La guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens » (id., Livre I, chap. I, § 24, p. 62). Elle vise donc la contrainte et non directement l’homicide. COMBLIN (op. cit. II, p. 78) propose cette définition chrétienne : « La guerre est un acte de violence allant jusqu’à l’homicide en vue de contraindre l’adversaire à accepter notre volonté ». En conséquence : « Elle n’est pas en soi directement un péché, si elle a pour but d’abattre une volonté perverse de l’adversaire. »
3. Cet ordre qui naît de la réconciliation universelle faite par le Christ. Relisons le texte de st AUGUSTIN : « pax omnium rerum tranquillitas ordinis » (De Civitate Dei, XIX, 13, 10 s) et le commentaire de COMBLIN J., op. cit. II, pp.71-72 : « Il est vrai que saint Augustin intègre sa conception de la paix dans une idée plus générale de l’harmonie du monde, inspirée de la philosophie stoïcienne. Il est vrai que la paix est, au niveau de l’humanité, la réalisation d’une sorte d’ordre universel qui trouverait à chaque étage de la création une incarnation adaptée aux possibilités particulières de chacun des êtres envisagés. Cette conception d’une sorte d’harmonie universelle est plutôt un cadre général. En réalité saint Augustin ne se contente pas d’appliquer à l’humanité la notion générale d’ordre. Pour lui la paix entre les hommes, ce n’est pas simplement la tranquillité de l’ordre. Il nous suffit de lire le texte cité dans son contexte pour nous en rendre compte. Saint Augustin donne deux contenus à la paix entre les hommes : « pax civitatis ordinata imperandi atque oboediendi concordia civium » (De Civitate Dei, XIX, 13, 8 s) ; « pacem civicam… ordinatam imperandi oboediendi concordiam civium » (XIX 16, 31 s) ; « Imperandi oebediendique concordiam civium » (XIX, 17, 12 s). Nous y trouvons l’accord des citoyens sur un ordre politico-social dans lequel les activités communes sont organisées.
   En second lieu la paix est « de rebus ad mortalem vitam pertinentibus humanarum quaedam compositio voluntatum » (De Civitate Dei XIX , 17, 13-15) ; « de rebus ad mortalem hominum naturam pertinentibus humanarum voluntatum compositionem » (XIX, 17, 57 s). C’est l’accord des volontés sur les activités humaines en vue de la meilleure vie terrestre.
   En combinant les deux définitions, nous obtenons celle que nous avons citée plus haut. (p. 71) ». Augustin n’a donc pas une conception unitaire de la paix, qui sacrifierait les personnes à l’ordre comme dans le communisme.