a. Lorenz
Tout d’abord , il interroge le biologiste et zoologiste autrichien Konrad Lorenz[1].
Pour Lorenz, l’agressivité est un instinct, chez l’animal comme chez l’homme, un caractère spontané. Mais alors que chez l’animal on découvre des rituels de pacification qui expliquent des liens d’amitié, chez l’homme, l’évolution rapide de l’espèce humaine, les « armes » dont elle s’est pourvue, n’ont pas été accompagnées d’inhibitions proportionnelles. Dès lors, l’agressivité humaine est particulièrement désordonnée et dangereuse.
S’appuyant sur les travaux de nombreux chercheurs, Herr conteste cette théorie. Il n’y a pas d’instinct d’agression ni de pulsion à l’agression chez l’animal mais des réponses agressives instinctives[2]. Et a fortiori chez l’homme où il n’y a quasiment pas de réactions instinctives, ni de « verrous » instinctifs.
Par ailleurs, on constate aussi chez Lorenz un « darwinisme social » qui n’a rien de scientifique. On ne peut, en effet, établir de lien entre la sélection naturelle biologique et la sélection sociale.[3] « La lutte sociale n’est nullement le prolongement humain de la lutte darwinienne ». « d’après la plupart des scientifiques, l’agressivité humaine (…) n’est pas contrôlée en première instance par l’appareil physiologique et n’appartient pas à l’ordre de l’instinct ». « On ne peut pas mettre la réussite socio-historique d’un groupe, d’une race ou d’un individu en rapport avec la « valeur sélective » de ses gènes (…) ».[4] La condition de l’homme est radicalement autre que celle de l’animal car « la nature subit une mutation radicale au sein de la culture »[5]. Par le fait même, la composante biologique de l’agressivité humaine n’agit pas comme chez l’animal. En réduisant la culture à la nature, Lorenz évacue la liberté. Cette erreur se retrouve dans la sociobiologie popularisée par Edward Wilson[6] qui considère que le biologique n’est pas seulement nécessaire mais déterminant. Si tout l’homme obéit à des lois biologiques, seuls les scientifiques, eux qui « savent », devraient exercer le pouvoir comme l’insinue Lorenz : « L’enseignement qualifié de la biologie constitue le seul fondement sur lequel on puisse établir de saines opinions sur l’humanité et sur ses rapports avec l’univers » ; « Une connaissance suffisante de l’homme et de sa position dans l’univers déterminerait automatiquement les idéaux pour lesquels nous devons lutter ».[7] N’est-ce pas là un avatar du scientisme ?[8]