⁢ii. Violence politique illégitime

L’organisation politique peut elle-même, comme nous l’avons vu, être source de violence ou utiliser la violence.

Machiavel⁠[1] considère que l’important en politique est l’efficacité. Il raconte que César Borgia eut l’habileté de confier l’administration de la Romagne à « Messire Remy d’Orque, homme cruel et expéditif » qui, par une tyrannie inflexible, « remit le pays en tranquillité et union », mais se fit partout détester. Aussi Borgia n’hésita-t-il pas à le faire « un beau matin, à Cesena, mettre en deux morceaux au milieu de la place, avec un billot de bois et un couteau sanglant près de lui. La férocité de ce spectacle fit tout le peuple demeurer en même temps satisfait et stupide ». L’État est contraint d’agir ainsi car les hommes sont cupides et méchants : « Quiconque veut fonder un État et lui donner des lois doit supposer d’avance les hommes méchants »[2]

Cette philosophie cynique n’a pas été universellement réprouvée. On a pu noter⁠[3], par exemple, la similitude entre certaines réflexions de Spinoza et quelques passages de Machiavel que le philosophe hollandais appelle « le très pénétrant florentin »[4]. On peut mettre en rapport ces deux extraits de Spinoza : « Il ne faut faire la guerre qu’en vue de la paix, et une fois la guerre finie les armes doivent être déposées. Quand les villes ont été conquises et que l’ennemi est vaincu, il faut poser des conditions de paix telles que les villes prises demeurent sans garnison, ou bien il faut accorder à l’ennemi par traité la possibilité de les racheter, ou bien (si de cette façon la force de leur situation devait toujours inspirer de la crainte) il faut les détruire entièrement et transporter les habitants vers d’autres lieux. »⁠[5] « Mais les villes conquises par la guerre et ajoutées comme des alliées de l’État et attachées par des bienfaits ; ou bien des colonies ayant droit de cité doivent y être envoyées et la population qui l’habitait doit être transportée ailleurs ou exterminée »[6] et ce passage de Machiavel : « Il faut fuir tout parti moyen comme étant très dangereux. Gardez-vous d’imiter les Samnites qui ayant enfermé les Romains aux Fourches Caudines, méprisèrent l’avis de ce vieillard qui leur conseillait de les massacrer tous ou de les renvoyer avec honneur. »[7]

Moins cynique, Hobbes envisage une autre manière de maintenir la paix à l’intérieur d’un pays. Il va proposer une solution rationnelle⁠[8] dans l’organisation de l’État pour y maintenir la paix.

Hobbes⁠[9] fait confiance à la raison humaine. Même si l’histoire de l’homme commence par « la guerre de tous contre tous », il est possible d’instaurer politiquement la paix.

On sait que Hobbes développe une physiologie matérialiste ⁠[10]en définissant l’homme comme un être matériel, un corps déterminé par ses mouvements internes, c’est-à-dire ses passions. Le bien et le mal sont des notions relatives car le bien est ce qui perçu comme utile, agréable, tandis que le mal est ce qui est perçu comme nuisible ou nocif.

De plus, l’homme n’est pas, au contraire de ce que toute la tradition aristotélicienne a affirmé, un être naturellement social. Et dans l’état de nature -état fictif dans lequel serait l’homme en dehors de toute construction politique-, les hommes sont égaux animés du désir de faire leur « bien » et d’utiliser les moyens qu’ils jugent nécessaires pour l’acquérir. Ils se défient les uns des autres et cette défiance engendre la guerre. Dans cet état, « la vie humaine est solitaire, misérable, dangereuse, animale et brève »[11],  »il n’y a pas de loi, rien n’est injuste »[12]. Cette anarchie violente risque de faire disparaître l’humanité et, en tout cas, ne permet aucun progrès : il n’y a ni société (seulement des alliances momentanées pour combattre tel individu) , ni prospérité, ni commerce, ni sciences, ni arts.

Fort heureusement, il y a en l’homme deux choses qui vont le sauver de la destruction : les passions et la raison. Quelles passions ? « La peur de la mort, le désir des choses nécessaires à une existence confortable, et l’espoir de les obtenir par leur activité » poussent les hommes à la paix. Ces passions suscitent la raison, c’est-à-dire le calcul de ce qui est nécessaire pour l’obtention d’un bien à venir : « les articles de paix adéquats, sur lesquels ils se mettront d’accord. Ces articles sont ceux qu’on appelle encore lois de nature. »[13]

La première de ces lois⁠[14] est de « chercher la paix et la maintenir »[15]. Comment ? En échangeant par contrat (contracter est la 2e loi) un droit contre un droit « en effet, aussi longtemps que tout un chacun a ce droit de faire tout ce qui lui plaît, tous les hommes sont dans l’état de guerre » qui est l’état de nature⁠[16]. Ces deux lois et les 17 autres qui suivront⁠[17] sont « immuables et éternelles »[18].

Par contrat, les hommes passent à l’état de société. Désormais, le rôle de l’État sera d’assurer la sécurité des particuliers : sans la puissance de l’État, c’est la « guerre de chacun contre chacun ».⁠[19]

qu’est-ce que l’État ? « Une personne une dont les actions ont pour auteur, à la suite de conventions mutuelles passées entre eux-mêmes[20], chacun des membres d’une grande multitude, afin que celui qui est cette personne puisse utiliser la force et les moyens de tous comme il l’estimera convenir à leur paix et à leur défense commune. » « La multitude ainsi unie en une personne une, est appelée un État, en latin civitas. Telle est la génération de ce grand léviathan, ou plutôt (pour parler avec plus de déférence) de ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le dieu immortel, notre paix et notre défense. En effet, en vertu du pouvoir conféré par chaque individu dans l’État, il dispose de tant de puissance et de force assemblées en lui que, par la terreur qu’elles inspirent, il peut conformer la volonté de tous en vue de la paix à l’intérieur et de l’entraide face aux ennemis de l’étranger. »[21]

« On dit qu’un État est institué[22] quand les hommes en multitude s’accordent et conviennent, chacun avec chacun, que, quels que soient l’homme ou l’assemblée d’hommes, auxquels la majorité a donné le droit de représenter la personne de tous (c’est-à-dire d’être leur représentant), chacun, aussi bien celui qui a voté pour que celui qui a voté contre, autorisera toutes les actions et jugements de cet homme ou de cette assemblée d’hommes comme s’ils étaient les siens propres, dans le but de vivre en paix et d’être protégés contre les autres. »[23]

Dans cet État, quelle que soit sa forme, l’autorité est absolue, permanente, incontestable, inaliénable, indivisible, toujours juste: « il me paraît manifeste, tant par la raison que par l’Écriture, que la puissance souveraine, qu’elle se trouve en un seul, comme dans une monarchie, ou en une assemblée d’hommes, comme dans les Etas populaire et aristocratique, est aussi grande que la puissance imaginable qu’il est possible aux humains de construire. » Hobbes ajoute à l’attention de ceux qui pensent qu’une telle puissance ne va pas sans inconvénients: « Et, bien qu’une pareille puissance illimitée puisse susciter l’illusion de quantité de conséquences néfastes, néanmoins, les conséquences de son absence, qui sont la guerre perpétuelle de chacun contre tous, sont pires encore. »[24]

Peut-on encore parler de liberté ? « La liberté des sujets réside (…) uniquement en ces choses, que dans le règlement de leurs actions, le souverain s’est abstenu de prendre en compte. (…) Toutefois, on ne doit pas comprendre que la souveraine puissance de vie et de mort est soit abolie, soit limitée par une telle liberté. Car on a déjà vu qu’il n’est rien que le représentant souverain ne puisse faire à un sujet, quel qu’en soit le prétexte, qui puisse au sens propre être appelé injustice ou préjudice, puisque chaque sujet est l’auteur de chacun des actes accomplis par le souverain, en sorte que celui-ci n’est jamais privé d’aucun droit à quoi que ce soit, si ce n’est qu’étant lui-même le sujet de Dieu, il est, par cela même, tenu d’observer les lois de nature.[25] Il peut donc se faire, et il arrive souvent en effet, que dans les États un sujet soit mis à mort sur ordre de la puissance souveraine, sans que, pour autant, aucun des deux n’ait fait de tort à l’autre (…). »⁠[26]

Comme dit Gérard Mairet, cette doctrine « contribue à la paix civile donnant tout pouvoir au souverain de définir le juste et l’injuste. Dieu et nature disparaissent comme fondements. »[27]

L’autorité est absolue, elle s’étend à tout domaine.

Comme dans la « guerre perpétuelle de chacun contre ses voisins, (…) toute chose est à celui qui l’obtient et la conserve par la force », désormais, pour éviter ce malheur, la propriété « revient en tout type d’État à la puissance souveraine. » Sa distribution revient au souverain et « toute distribution faite par un autre au préjudice de la paix et de la sécurité est contraire à la volonté de chaque sujet qui a remis sa paix et sa sécurité à la discrétion du souverain et à sa conscience (…). »⁠[28] De même, toujours pour éviter débats et combats, le souverain aura aussi comme tâche de définir les mots avant de canaliser les passions.⁠[29]

La guerre sera-t-elle ainsi définitivement bannie ?

Non car les rois garantissent leur puissance « à l’intérieur par les lois et à l’extérieur par les guerres »[30]. Et même, si la punition des sujets innocents est contraire à l’intérêt de l’État et à la loi de nature, « faire subir n’importe quel mal à un innocent qui n’est pas un sujet, si c’est pour le profit de l’État, et sans violation d’une convention antérieure, ce n’est pas une infraction à la loi de nature. En effet, tous ceux qui ne sont pas sujets ou bien sont des ennemis ou bien ils ont cessé de l’être à la suite de conventions antérieures. Or, contre les ennemis que l’État juge capables de lui nuire, il est licite, selon le droit originaire de nature, de leur faire la guerre, et dans la guerre, l’épée ne juge pas, et le vainqueur ne fait pas non plus la distinction entre coupable et innocent au regard du passé ; or, la pitié du vainqueur ne s’exerce qu’avec le souci de son propre bien et de rien d’autre. Sur cette base, c’est un fait que pour les sujets qui, délibérément, nient l’autorité de l’État établi, il est licite d’étendre la guerre également jusqu’à eux, non seulement jusqu’aux pères, mais encore jusqu’aux troisième et quatrième générations qui n’existent pas encore et sont, par conséquent, innocentes des actions pour lesquelles elles subissent les peines. Il en est ainsi parce que la nature du délit consiste à avoir renoncé à la sujétion, ce qui est un retour à la guerre, couramment appelé rébellion. Or ceux qui commettent ce délit ont à souffrir non comme sujets, mais comme ennemis, car la rébellion n’est que le recommencement de l’état de guerre. »[31]

Pour éviter cela, il est nécessaire que l’État ait une puissance absolue et ne laisse rien ni personne affaiblir son pouvoir.

Il faut, tout particulièrement se méfier de ceux qui « installent une éminence en face de la souveraineté, les canons en face des lois, et l’autorité des esprits en face de l’autorité civile. Ils triturent le cerveau des gens avec des mots et des distinctions qui en eux-mêmes ne veulent rien dire, mais révèlent (par leur obscurité) un autre royaume (invisible selon certains), un royaume de fées marchant pour ainsi dire dans l’ombre. »[32] On l’a compris, Hobbes vise les autorités spirituelles. S’il estime que la religion est nécessaire à la paix civile, « c’est le souverain qui décide de ce qui est canonique et de ce qui ne l’est pas, en tout ce qui concerne les manifestations extérieures de la croyance »[33] sinon ce sera la guerre civile. Hobbes s’oppose donc à la « distinction entre temporel et spirituel », distinction qui, dit-il, « ne veut rien dire ».⁠[34] C’est pourquoi, Hobbes n’hésitera pas à dire que « Le royaume de Dieu est un royaume civil »[35], à définir, selon sa propre conception, ce que sont les lois divines, ce que sont l’honneur et le culte⁠[36].

Toute la 3e partie du Léviathan[37] est une critique historique et sémantique de la Bible, qui a pour but « de fixer les significations et de les accorder avec la philosophie »[38].

Quelques extraits donneront, sans équivoque, une image assez précise de cette religion civile définie et établie par le « prince » ;

« Gouvernement temporel et spirituel ne sont rien que deux mots importés dans le monde pour faire que les humains voient double et se trompent sur leur souverain licite. Dans cette vie, il n’y a (…) pas d’autre gouvernement que temporel, que ce soit de l’État ou de la religion ; il n’y a pas non plus de doctrine, que le gouvernement, à la fois de l’État et de la religion, interdise d’enseigner, et qu’il soit licite aux sujets de pratiquer. Et ce gouvernement doit être un, ou alors il est nécessaire qu’il s’ensuivra des factions et la guerre civile entre l’Église et l’État (…). Les docteurs de l’église sont appelés pasteurs, c’est aussi le cas des souverains civils. Or, si les pasteurs ne sont pas subordonnés l’un à l’autre, de sorte qu’il y ait un unique pasteur en chef, des doctrines opposées seront enseignées aux humains, dont l’une sera fausse, et peut-être les deux. Quant à savoir qui est ce pasteur en chef, conformément à la loi de la nature (…), c’est le souverain civil (…).⁠[39]

« ...dans chaque État, ceux qui n’ont pas eu la révélation surnaturelle du contraire doivent obéir à la loi de leur propre souverain, dans les actes et pratiques extérieurs de la religion. Quant à la pensée et à la croyance intimes des humains, dont les gouvernants humains ne peuvent avoir connaissance (puisque Dieu seulement connaît les cœurs), elles ne relèvent pas de la volonté et ne sont pas l’effet des lois, mais de la volonté et de la puissance de Dieu, et donc elles ne dépendent pas de l’obligation »[40]

« Les apôtres et autres ministres de l’évangile sont nos instituteurs, mais pas nos gouvernants, et (…) leurs préceptes ne sont pas des lois, mais de bons conseils (…). »⁠[41]

A la question : « au cas où notre prince légitime nous ordonne de dire à haute voix ce que nous ne croyons pas, devons-nous obéir à un ordre pareil ? » La réponse est oui : « l’action d’un sujet (…) n’est pas son action, mais celle de son souverain. »[42]

« (…) l’église ne peut juger les mœurs que par les actions extérieures, des actions qui ne peuvent jamais être illicites, sauf quand elles vont contre la loi de l’État. »[43]

« Le droit politique et ecclésiastique des souverains chrétiens est indivisible »[44]. Le souverain civil « a la puissance suprême en toutes les causes, qu’elles soient ecclésiastiques ou civiles, et pour autant qu’elles relèvent des actions et des paroles car il n’y a qu’elles qui soient connues et qui peuvent donner lieu à des accusations. Et pour celles qui ne peuvent donner lieu à des accusations, il n’y a pas du tout de juge, si ce n’est Dieu qui connaît les cœurs. »[45]

« Dans les États chrétiens, le motif le plus fréquent de sédition et de guerre civile a été pendant très longtemps la difficulté, qui n’est pas encore suffisamment résolue, d’obéir en même temps à Dieu et à l’homme, quand leurs commandements se contredisent. »[46]

G. Mairet conclut : « Il s’agit donc en fait d’une sorte de religion du comme si : le sujet, pour être reçu au royaume des cieux doit se soumettre au souverain du royaume terrestre et faire comme si Jésus était le Christ, car c’est là ce qu’il doit montrer - sans être tenu d’y croire. »[47]

L’Église catholique apparaît dès lors comme le « royaume des ténèbres » rassemblant des « associations de falsificateurs »[48]. Car cette Église a falsifié les Écritures, à propos du royaume de Dieu, du pape, du clergé, des sacrements, de l’immortalité de l’âme, etc.

La hiérarchie catholique « ou royaume des ténèbres, il n’est pas inadéquat de la comparer au royaume des fées, autrement dit aux fables des vieilles femmes en Angleterre, où il est question des fantômes et des esprits, et des fêtes qu’ils font pendant la nuit. »[49]

Le système de Hobbes établit-il finalement la paix ?

Hannah Arendt en a fait une critique pénétrante⁠[50] montrant que si « la raison d’être de l’État est le besoin de sécurité éprouvé par l’individu, qui se sent menacé par tous ses semblables » force est de constater qu’« il n’y a ni solidarité ni responsabilité entre l’homme et son prochain. Ce qui les lie est un intérêt commun (…) ». Comme « la sécurité est assurée par la loi, qui est une émanation directe du monopole du pouvoir dont jouit l’État (et n’est plus établie par l’homme en vertu des valeurs humaines du bien et du mal) (…) Et comme cette loi découle directement du Pouvoir absolu, elle représente une nécessité absolue aux yeux de l’individu qu’elle régit. En ce qui concerne la loi de l’État, à savoir le Pouvoir accumulé par la société et monopolisé par l’État, il n’est plus question de bien ou de mal, mais uniquement d’obéissance absolue, du conformisme aveugle de la société bourgeoise.«  ⁠[51] Y a-t-il paix pour autant à l’intérieur et à l’extérieur de l’État, du « Commonwealth »⁠[52] ? A l’intérieur, Hobbes fait appel « à certains instincts de sécurité fondamentaux dont il savait bien qu’ils ne pourraient survivre, chez les sujets du Léviathan, que sous la forme d’une soumission absolue au pouvoir « qui en impose à tous », autrement dit à une peur omniprésente, irrépressible - ce qui n’est pas exactement le sentiment caractéristique d’un homme en sécurité. » Quant aux relations extérieures, l’« état permanent de guerre potentielle garantit au Commonwealth une espérance de permanence parce qu’il donne à l’État la possibilité d’accroître son pouvoir aux dépens des autres États. » Pour Hannah Arendt, « l’ultime objectif destructeur de ce Commonwealth est au moins indiqué par l’interprétation philosophique de l’égalité humaine comme « égalité dans l’aptitude » à tuer. Vivant avec toutes les autres nations « dans une situation de conflit perpétuel et, aux confins de l’affrontement, ses frontières en armes et ses canons de toutes parts pointés sur ses voisins », ce Commonwealth n’a d’autre règle de conduite que celle qui « concourt le plus à son profit » et il dévorera peu à peu les plus faibles jusqu’à ce qu’il en arrive à une ultime guerre  »qui fixera le sort de chaque homme dans la Victoire ou dans la Mort ».

« Victoire ou Mort » : fort de cela, le Léviathan peut certes balayer toutes les protections politiques qui accompagnent l’existence des autres peuples et peut englober la terre entière dans sa tyrannie. Mais quand est venue la dernière guerre et qu’à chaque homme est échu son destin, il ne s’en instaure pas pour autant une paix ultime : la machine à accumuler le pouvoir, sans qui l’expansion continue n’aurait pu être menée à bien, a encore besoin d’une proie à dévorer dans son fonctionnement perpétuel. Si le dernier Commonwealth victorieux n’est pas en mesure de se mettre à « annexer les planètes », il n’a plus qu’à se détruire lui-même afin de reprendre à son origine le processus perpétuel de génération du pouvoir. »

A la figure du Léviathan doit se substituer celle du vrai démocrate au sens où l’Église l’entend depuis les sages distinguos de Pie XII, témoin privilégié de la brutalité de l’État tout-puissant.


1. 1469-1527.
2. Discours sur la première décade de Tite-Live, 1531. Cité par PRESTON Marc, qu’est-ce que la violence ? (www.aidocours.fr).
3. CRISTOFOLINI Paolo, Spinoza et le « très pénétrant florentin » (sur http://perso.orange.fr).
4. Traité politique, 1677, in Œuvres IV, X, § 1, Garnier-Flammarion. La Pléiade traduit : « Le très perspicace auteur florentin » (Œuvres complètes, NRF, Bibliothèque de La Pléiade, 1962).
5. Traité politique, VI, 35.
6. Traité politique, IX, 13. La traduction choisie dans les Œuvres complètes, NRF, Bibliothèque de La Pléiade, 1962: « Quant aux villes conquises en vertu du droit de la guerre et qui sont venues s’ajouter à l’État, elles devront être traitées en alliées, gagnées et attachées par des bienfaits, ou bien on y enverra des colons qui jouissent du droit de citoyenneté nationale, tandis que la population d’origine sera déportée ailleurs. Si l’on n’adopte aucune de ces deux solutions, la ville devra être rasée. » La traductrice note (p. 1509) : « Le latin, un peu informe, donne lieu à quelques interprétations divergentes. Nous avons choisi celle, à notre avis, la plus vraisemblable, inspirée de la traduction -pour une fois, heureuse- des Nagelate Schriften. Le texte littéral des Opera posthuma : gens alio ducenda, vel omnino delenda est, évoquerait une pratique assez cruelle, à laquelle le TP substituait, antérieurement en tout cas, la destruction de la ville seulement et le déplacement de ses habitants (cf. Ch. VI, § 35). »
7. Discours II, 23.
8. Les solutions raisonnables apparaissent, remarque Lacoste, à partir du moment où la théologie augustinienne relativement pessimiste vis-à-vis de la nature humaine et de la raison perdra un peu de son influence.
9. HOBBES Thomas, Léviathan, ou La matière, la forme et la puissance d’un État ecclésiastique et civil, Gallimard, Folio-Essais, 2000, notes et notices par Gérard Mairet.
10. Id., p. 123 note 1.
11. Id., p. 225.
12. Id., p. 228.
13. Id., p. 228.
14. Ces lois sont des obligations par opposition au droit qui s’entend comme  »liberté de faire ou de ne pas faire » (Id., p. 231).
15. Id., p. 232.
16. Id..
17. Il y en a donc 19 en tout. Les 17 autres sont: justice, gratitude, bienveillance, pardon, respect du bien futur dans les vengeances, refus de l’insulte, refus de l’orgueil, refus de l’arrogance, équité, égalité dans l’usage des choses communes, le sort pour fixer la première possession, primogéniture et première occupation, sauf-conduit pour les médiateurs de paix, soumission à l’arbitrage, nul n’est son propre juge, nul n’est juge s’il a en lui une cause naturelle de partialité, nécessité de témoins.
18. Léviathan, op. cit., p. 267.
19. Id., p. 224.
20. « C’est comme si chaque individu devait dire à tout individu: j’autorise cet homme ou cette assemblée d’hommes, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même manière. » (Id., p. 288)
21. Id., p. 288-289.
22. Hobbes envisage aussi le cas de l’« État d’acquisition » qui diffère de l’« État d’institution » seulement par le fait que « les hommes qui choisissent leur souverain le font par peur les uns des autres, non de celui qu’ils instituent. Alors que dans ce cas, ils s’assujettissent eux-mêmes à celui dont ils ont peur. Dans les deux cas, ils le font par peur (…). » (Id., p. 322).
23. Id., p. 290.
24. Id., p. 334.
25. G. Mairet précise que cette limitation est « de pure forme : car c’est le souverain qui, seul, interprète cette loi, de sorte que ce qui va contre elle ne va pas du même coup contre son propre droit de souveraineté. » n. 1, p. 341.
26. Id., pp. 340-341.
27. Id., pp. 267-268, note 1.
28. Id., pp. 383-385.
29. Id., p. 95, note 1.
30. Id., p. 188.
31. Id., p. 472.
32. Id., pp. 485-486.
33. Id., p. 199, note 1.
34. Id., p. 486. Hobbes réclamera aussi de soumettre à la censure les livres des Grecs et Romains qui risquent de saper l’autorité du souverain (p. 485). Tout le chapitre 46 sera consacré à dénoncer la nocivité et l’inconsistance de « la vaine philosophie » et des « traditions fabuleuses » sources de querelles. Sont visées, entre autres, les philosophies grecques et Aristote tout particulièrement, les « écoles des juifs », les théologiens scolastiques, la tradition (« fables de vieilles femmes »).
35. Id., p. 592.
36. Id., chapitre 31. G. Mairet montre (note 1, p. 524) que « ce n’est pas le dieu immortel et infini qui est la réponse (mystérieuse) à la finitude humaine, c’est l’État, une réponse toute provisoire, puisque ce dieu-là, justement, est mortel. »
37. Chapitres 32-43.
38. Id., note 1, p. 565.
39. Id., p. 663-664.
40. Id., pp. 666-667.
41. Id., pp. 700-701.
42. Id., pp. 704-705.
43. Id., p. 721.
44. Id., p. 764.
45. Id., pp. 765-766.
46. Id., p. 809.
47. Id., note 1, p. 806.
48. Id., p. 835.
49. Id., p. 948.
50. L’impérialisme, II, Origines du totalitarisme, Seuil-Points, 1982, pp. 28-50.
51. Pour H. Arendt, Hobbes est le porte-parole de la nouvelle société bourgeoise qui apparaît au XVIIe siècle et qui aspire à se livrer à la compétition des intérêts privés en laissant ses droits politiques à l’État de même que ses responsabilités sociales. En contrepartie, elle demande seulement à l’État de la protéger contre les pauvres et les criminels désormais confondus.
52. Littéralement : « richesse commune ». Au XVIIe siècle, le mot désigne un état dirigé dans l’intérêt du peuple, une république, au sens ancien du terme.