⁢i. Le travail de la femme…

Selon un préjugé tenace, on pense encore souvent que traditionnellement les tâches étaient réparties suivant les sexes. d’une manière un peu caricaturale, on a considéré que l’homme avait à conquérir le monde tandis que la femme restait à l’intérieur du foyer. En fait, cette image nous a été léguée par le XIXe siècle occidental. Or, à travers l’histoire, la réalité apparaît bien différente suivant les époques, les cultures et surtout le statut politique et social. Ainsi, « parmi les pauvres, la condition des femmes a peu changé à travers les siècles : une paysanne chinoise, une paysanne chrétienne, une paysanne de Rome ont d’abord vécu comme une paysanne »[1] . Par contre, les privilégiées connaîtront des fortunes diverses suivant les régimes⁠[2]. C’est dans la société bourgeoise du XIXe siècle que « les femmes perdent le pouvoir qu’elles avaient sous les régimes précédents (…). Elles sont traitées en inférieures, dans tous les domaines, on les relègue dans la vie familiale, et, en revanche, on prend l’habitude d’exalter leur faiblesse, leur grâce, leur inutilité, on leur suggère qu’elles sont à la fois précieuses et incapables ».⁠[3]

On comprend les réactions féministes face à cette situation mais sur le plan du travail, « c’est le développement de la société industrielle et la nécessité de pourvoir à une infinité de nouveaux emplois, les changements dramatiques provoqués par les guerres, enfin les besoins urgents de la production ou la pression de la concurrence qui ont changé la vie des femmes ».⁠[4]

Ajoutons à cela les progrès de la médecine⁠[5] et de la technologie⁠[6] qui ont libéré les femmes pour un travail salarié.

Cette évolution a placé nombre de femmes dans une situation parfois difficile pour elles et leur famille du fait que ce travail salarié s’ajoutait à leurs responsabilités domestiques. Tout naturellement, l’Église catholique s’est penchée sur ce problème, car l’absence des parents risquait de porter préjudice à l’éducation des enfants. L’Église n’est pas seule à avoir perçu les bouleversements qu’entraînait cette modification des rapports entre la famille et le travail. Un auteur aussi éloigné de la morale sociale chrétienne que Michel Clouscard, dans sa critique du capitalisme contemporain, relève que « naguère, le temps de travail et le temps de non-travail s’organisaient autour de la cellule familiale. Et celle-ci dans la communauté villageoise. Le temps de loisir, en tant que tel, n’existait pas : les temporalités de la famille et de la communauté l’impliquaient, le contenaient, l’organisaient. Tel était le rythme du vécu, à partir de la cellule familiale ». Aujourd’hui, par contre, le capitalisme « a désintégré la cellule familiale. C’est le lieu de l’emploi et non plus le lieu d’origine qui fixe la famille ». Aux temporalités paisibles et non-conflictuelles du passé a succédé « une arythmie macro-sociale » qui, pour l’auteur « semble être la cause essentielle de la pathologie sociale. Car elle objective le déplacement de population et le productivisme. Deux énormes traumatismes qui s’actualisent, s’expriment tout d’abord dans les conflits familiaux. La pathologie de la famille est avant tout le reflet du rythme fou imposé par les cadences du néo-capitalisme. (…) Le nouveau rythme social ne dispose plus de l’unité organique famille/village, d’une temporalité apaisante, de longue durée, lente, équilibrée. A la place : deux systèmes spatio-temporels : le temps de travail et le temps de loisir. Et entre les deux, ce monstrueux cancer spatio-temporel : le temps de transport. (…) La famille -la réunion familiale- est devenue l’une des raisons essentielles de l’excroissance du tiers-temps (le temps de transport). La famille éclatée, pour se retrouver, dépense temps et argent en de longs et multiples voyages. »[7] Certains considéreront peut-être cette description comme caricaturale. d’autres, par contre, la jugeront incomplète et ajouteront que l’absence des parents pose aussi le problème de la garde des enfants qui accroît le temps de transport vers les grands-parents, une crèche ou une gardienne. Quoi qu’il en soit, les enfants ont moins de contacts avec leurs parents et ceux-ci doivent déployer des trésors d’inventivité pour être davantage auprès d’eux à moins qu’ils n’organisent leur vie professionnelle en fonction de la vie familiale et non l’inverse.

En tout cas, vu l’importance fondamentale que l’Église a toujours accordé à la famille,⁠[8] les Souverains Pontifes n’ont pas manqué, depuis Léon XIII, d’attirer l’attention des fidèles et des « hommes de bonne volonté » sur la nécessité de ne pas sacrifier l’essentiel à l’impératif économique. Si, pour Léon XIII, la nature destine la femme « plutôt aux ouvrages domestiques », ouvrages, ajoute-t-il, « qui sauvegardent admirablement l’honneur de son sexe et répondent mieux, par nature, à ce que demandent la bonne éducation des enfants et la prospérité de la famille », il ne condamne pas pour autant le travail à l’extérieur de la famille, d’autant moins qu’à l’époque, ce travail était souvent nécessaire à la simple survie. La préférence de Léon XIII révèle sa volonté de préserver la femme des « dangers » que court « l’honneur de son sexe » dans un milieu de rudes travailleurs. Ensuite, les adverbes, « plutôt » et « mieux » indiquent la meilleure convenance en fonction de la « nature » de la femme et c’est précisément en fonction de cette nature féminine que Léon XIII demande aux patrons de donner aux femmes un travail adapté à leur sexe : « il est (…) défendu aux patrons d’imposer à leurs subordonnés un travail au-dessus de leurs forces ou en désaccord avec leur âge ou leur sexe. (…) Ce que peut réaliser un homme valide et dans la force de l’âge ne peut être équitablement demandé à une femme ou à un enfant. (…) Il est des travaux moins adaptés à la femme (…) ».⁠[9]

Nous avons ici l’idée que les successeurs défendront continuellement: l’intérêt de la famille ne peut être sacrifié au travail.

En 1919, Benoît XV dira :  »L’évolution qui a amené l’état de choses actuel a pu conférer à la femme des charges et des droits qu’on ne lui reconnaissait pas jadis. Mais nul changement dans l’opinion des hommes, aucun état de choses nouveau ni le cours des événements ne sauraient jamais arracher la femme consciente de sa mission à cette sphère naturelle qu’est pour elle la famille. C’est elle qui est la reine du foyer domestique ; même quand elle s’en trouve éloignée, c’est à ce foyer que doivent se concentrer non seulement l’affection de son cœur de mère, mais encore tous ses soucis de sage maîtresse de maison ; de même qu’un souverain qui se trouve hors de son royaume, loin de négliger le bien de ses sujets, le met toujours au premier rang de ses pensées et de ses préoccupations.

On a raison de dire que les transformations de l’ordre social ont élargi le champ de l’activité féminine ; l’apostolat au milieu du monde s’est ajouté pour la femme à l’action plus intime et plus restreinte réservée jusqu’ici au foyer domestique. Mais cet apostolat extérieur, il faut qu’elle l’exerce de manière à bien montrer que la femme, au dehors aussi bien que chez elle, se souvient qu’elle doit, même de nos jours, consacrer le meilleur de ses soins à sa famille. »⁠[10]

Pie XI semble plus restrictif lorsqu’il reprend dans Casti connubii[11] l’enseignement que Léon XIII a rappelé dans Arcanum divinae sapientiae et le développe en ces termes : l’homme est « prince de la famille et chef de la femme » qui obéit « non point à la façon d’une servante, mais comme une associée »[12]. Ils sont égaux en dignité en tant que personnes humaines et, par le fait même, à ce niveau, ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Mais « dans les autres choses, une certaine inégalité et une certaine mesure sont nécessaires, celles qu’exigent le bien et les obligations de la société domestique et l’unité et la stabilité de l’ordre »[13]. Cela dit, Pie XI évoque, pour la condamner, « l’émancipation de la femme ». Il s’en prend à ceux qui veulent que cette émancipation soit « sociale, économique, physiologique : physiologique, car ils veulent que les femmes soient à leur gré affranchies des charges conjugales et maternelles de l’épouse (ce qui n’est pas émancipation, mais crime détestable (…) ; économique, par où ils veulent que la femme, même à l’insu de son mari, et contre sa volonté, puisse librement avoir ses affaires, les gérer, les administrer, sans se soucier autrement de ses enfants, de son mari et de toute sa famille ; sociale enfin, en tant qu’ils enlèvent à la femme les soins domestiques, ceux des enfants et ceux de la famille, pour que, ceux-là négligés, elle puisse se livrer à son tempérament naturel et qu’elle se consacre aux affaires et aux fonctions de la vie publique aussi ». Il ne s’agit, aux yeux du Saint Père que d’une fausse émancipation, d’une fausse liberté : « c’est bien plutôt, continue-t-il, une corruption de l’esprit de la femme et de la dignité maternelle, un bouleversement aussi de toute la famille, par où le mari est privé de sa femme, les enfants de leur mère, la maison et la famille tout entière d’une gardienne toujours vigilante. » La femme elle-même en pâtit : « car si la femme descend de ce siège vraiment royal où elle a été élevée par l’Évangile dans l’intérieur des murs domestiques, elle sera bien vite réduite à l’ancienne servitude (sinon en apparence, du moins en réalité) et elle deviendra -ce qu’elle était chez les païens- un pur instrument de son mari. » Pour éviter cette dégradation, il est souhaitable que les pouvoirs publics veillent à la sauvegarde de « l’ordre essentiel de la société domestique »[14].

A lire attentivement ce texte, on se rend compte que Pie XI, comme ses prédécesseurs et comme ses successeurs, nous allons le voir, redoute non pas que la femme travaille à l’extérieur du foyer mais qu’elle ne se soucie plus de lui, qu’elle le néglige. C’est bien une émancipation totale qu’il condamne.⁠[15]

Il n’est certainement pas question d’enfermer la femme dans sa maison mais de préserver prioritairement la vie familiale.

Sans surprise, Pie XII dira que « la femme fait le foyer », qu’elle est « maîtresse de maison »[16], « le soleil de la famille »[17], « cœur de la famille », « reine » de la maison⁠[18]. A l’objection : « la structure sociale du monde moderne pousse un grand nombre de femmes, même mariées, à sortir du foyer et à entrer dans le champ du travail et de la vie publique » Pie XII répond: « Nous ne l’ignorons pas, mais qu’un pareil état de choses constitue un idéal social pour la femme mariée, voilà qui est fort douteux. Cependant, il faut tenir compte de ce fait. La Providence, toujours vigilante dans le gouvernement de l’humanité, a mis dans l’esprit de la famille chrétienne des forces supérieures qui sont à même de tempérer et de vaincre la dureté de cet état social et de parer aux dangers qu’il cache indubitablement.

Avez-vous déjà considéré le sacrifice de la mère qui doit pour des motifs particuliers, en plus de ses obligations domestiques, s’ingénier à subvenir par un travail quotidien à l’entretien de la famille ? Lorsque le sentiment religieux et la confiance en Dieu constituent le fondement de la vie familiale, cette mère conserve, bien plus, elle nourrit et développe en ses enfants, par ses soucis et ses fatigues, le respect, l’amour et la reconnaissance qu’ils lui doivent. Si votre foyer doit passer par là, ayez avant tout une pleine confiance en Dieu et, dans les heures et les jours où vous avez le loisir de vous donner entièrement aux vôtres, efforcez-vous, avec un redoublement d’amour, de répandre dans le cœur de votre mari et de vos enfants de lumineux rayons de soleil qui affermissent, alimentent, et fécondent, pour les temps de séparation corporelle, l’union spirituelle du foyer. »[19] Et très conscient des réalités et des difficultés rencontrées par la femme au travail extérieur, il ajoute, dans un autre discours : « L’industrie, avec ses prodigieux développements, a amené une transformation sans précédents dans l’histoire de la civilisation humaine. Elle s’est approprié une partie considérable des travaux domestiques qui, naturellement, revenaient à la femme et, vice versa, elle a obligé les femmes à sortir en très grand nombre du foyer domestique pour aller travailler dans les ateliers, dans les administrations, dans les bureaux. Beaucoup déplorent un tel changement ; mais c’est un fait accompli auquel il est présentement impossible de renoncer. » Dans cette situation, le devoir de la femme est de se consacrer à la famille « avec une ardeur redoublée ». Mais, l’accumulation des tâches, le Saint Père le sait et le dit, est particulièrement éprouvante : « beaucoup ne résistent pas et se brisent ». C’est pourquoi l’Église milite « en faveur d’un salaire qui suffise à l’entretien de l’ouvrier et de sa famille » notamment pour tenter, si possible, « de ramener l’épouse et la mère à sa vocation propre au sein du foyer domestique. » En attendant, à propos du salaire de la femme, il réclame justice : « pour la même prestation de travail, à égalité de rendement, l’ouvrière a droit au même salaire que l’ouvrier. Combien serait injuste et contraire au bien commun l’exploitation, sans égard pour le travail fourni par l’ouvrière, seulement parce qu’on peut avoir ce travail à un prix moindre, au préjudice non pas uniquement de la travailleuse, mais encore du travailleur qui se trouve aussi exposé au danger du chômage ! »[20]

Pie XII ira plus loin encore⁠[21] et pour la défense de la famille qui doit, bien sûr, rester la valeur première, il va demander aux femmes de s’engager socialement et politiquement. Dans une présentation qui nous fait penser à Mulieris dignitatem, puisque « toute femme est destinée à être mère : mère dans le sens physique du mot, ou dans un sens plus spirituel et plus élevé, mais non moins réel » et qu’elle « ne peut voir ni comprendre à fond les problèmes de la vie humaine sinon sous l’aspect de la famille »[22], il lance aux femmes et aux jeunes : « la vie publique a besoin de vous » dans un monde où précisément la mission de la mère et la famille sont menacées⁠[23]. Il ne s’agit pas pour autant d’écarter les femmes et les jeunes filles de la vie sociale et politique ? Non ! « Toute femme (…) sans exception a le devoir, vous entendez bien, le strict devoir de conscience, de ne pas rester absente, de se mettre à l’action (dans les formes et selon la manière qui conviennent à la condition de chacune) pour résister aux courants qui menacent le foyer, pour combattre les doctrines qui en sapent le fondement, pour préparer, organiser et effectuer sa restauration. » Il faut s’engager et pas seulement par le vote, selon ses caractères et aptitudes propres. Pourquoi cette mobilisation ? Pour changer « les conditions qui la contraignent à rester hors de chez elle ». Pie XII compte particulièrement sur les célibataires⁠[24] pour se consacrer « plus directement et plus entièrement » à ce combat dont l’objectif est double : « la préparation et la formation de la femme à la vie sociale et politique ; le développement et l’actuation de cette vie sociale et politique dans la vie privée et publique. »

En 1952⁠[25], de nouveau, il constatera « l’entrée inévitable de la femme dans toutes les carrières et dans tous les domaines de la vie publique » et reviendra sur la nécessité de sauvegarder « un juste équilibre entre liberté et responsabilité, entre droit individuel et devoirs à l’égard d’autrui, entre égalité et subordination ». Il y a cinquante ans, précise-t-il, la tache de l’Union des femmes catholiques allemandes était d’« introduire la femme catholique dans les carrières et fonctions publiques où l’appelaient les circonstances et auxquelles elle ne pouvait plus se refuser ; aujourd’hui, le devoir primordial consiste peut-être à protéger la femme et à consolider sa situation pour qu’elle ne perde pas, dans les nouvelles circonstances, sa dignité de personne comme femme et comme chrétienne ».

Deux ans avant sa mort, quatre ans avant l’ouverture du Concile, Pie XII reprendra sa vision de la femme et de son rapport au travail dans un style dont nous retrouverons la marque dans Gaudium et Spes et dans l’enseignement de Jean-Paul II. A propos du fondement de la dignité de la femme, il dira : « C’est exactement le même que pour l’homme, l’un et l’autre enfants de Dieu, rachetés par le Christ, avec un identique destin surnaturel. Comment peut-on donc parler de personnalité incomplète de la femme, de réduction de sa valeur, d’infériorité morale, et faire dériver tout cela de la doctrine catholique ?

Il existe un second et identique fondement à la dignité de l’un et l’autre sexe : en effet, la Providence divine a assigné aussi bien à la femme qu’à l’homme un destin terrestre commun, le destin auquel tend toute l’histoire humaine et auquel fait allusion le précepte du Créateur donné en même temps aux deux premiers parents : « Croissez et multipliez-vous et peuplez la terre et soumettez-la à votre pouvoir (Gn 1, 28). En vertu de ce destin temporel commun, aucune activité humaine ne se trouve par elle-même interdite à la femme, dont les horizons s’étendent ainsi aux domaines de la science, de la politique, du travail, des arts, du sport ; mais toutefois de façon subordonnée aux fonctions primaires qui lui sont fixées par la nature elle-même. En effet, le Créateur en tirant admirablement l’harmonie de la multiplicité, a voulu, tout en établissant un destin commun pour tous les hommes, répartir entre les deux sexes des tâches différentes et complémentaires, comme des voies diverses qui convergent vers un but unique. » Et Pie XII rappelle les différences physiques et psychiques chez l’homme et la femme. « Egalité donc absolue dans les valeurs personnelles et fondamentales, mais fonctions diverses, complémentaires et admirablement équivalentes, d’où résultent les droits et devoirs différents de l’un et de l’autre. » Il ajoute : « Il n’est pas douteux que la fonction primordiale, la sublime mission de la femme, soit la maternité (…) ». Et si celle-ci vient à manquer, « la perfection de la femme (…) peut être également obtenue (…), grâce aux œuvres multiformes de bien, mais surtout par le respect volontaire d’une vocation supérieure, dont la dignité se mesure aux élévations divines de la virginité, de la charité et de l’apostolat chrétien ». A propos du travail, Pie XII dira que « la conformation physique et morale de la femme exige une sage discrimination aussi bien dans la quantité que dans la qualité. La conception de la femme aux chantiers, aux mines, aux travaux lourds, telle qu’elle est exaltée et pratiquée dans certains pays, qui voudraient s’inspirer du progrès, est loin d’être une conquête moderne ; elle est au contraire un triste retour vers des époques que la civilisation chrétienne avait ensevelies depuis longtemps. La femme est bien une force considérable dans l’économie d’une nation, mais à la condition que ce soit dans l’exercice des hautes fonctions qui lui sont propres ; elle n’est certainement pas une force « industrielle », comme on a l’habitude de dire, égale à l’homme, dont on peut réclamer un plus grand emploi d’énergie physique. La sollicitude empressée qu’un homme bien né manifeste à l’égard de la femme en toute circonstance, devrait être également observée par les lois et les institutions d’une nation civilisée. »[26]

L’engagement de la femme dans la vie publique devient un « signe des temps »[27] ? C’est la raison pour laquelle, le pape Jean XXIII va, à plusieurs reprises, aborder le sujet pour rappeler, sans grande nouveauté, l’enseignement de ses prédécesseurs.

Jean XXIII nous invite à « regarder la réalité des faits, qui montre combien le mouvement vers les centres d’occupation et de travail est plus vaste de jour en jour, en même temps que grandit l’aspiration de la femme à une activité susceptible de la rendre économiquement indispensable et de la mettre à l’abri du besoin »[28]. « Il n’y a pas lieu, dira-t-il encore, de nous arrêter à considérer si cet état de choses correspond au véritable idéal de la femme, et encore moins de nous laisser aller à des lamentations et à des récriminations. »[29]

Toutefois, « à la lumière des enseignements chrétiens », le Pape fera trois remarques:

\1. « La profession de la femme ne peut faire abstraction des caractéristiques essentielles que le Créateur a données à son être. Il est certain que les conditions de vie tendent à l’introduire pratiquement dans la parité quasi absolue de l’homme ; cependant, si la parité de droits justement proclamée doit être reconnue en tout ce qui concerne la personne et la dignité humaines, cela n’implique en aucune façon une parité de fonctions. Le Créateur a doté la femme de qualités, de dispositions et de penchants naturels qui lui sont propres, ou qu’elle ne possède pas au même degré que l’homme ; cela veut dire que des tâches particulières lui ont aussi été assignées. En ne tenant pas compte comme il faut de cette diversité des fonctions respectives de l’homme et de la femme, ainsi que de leur caractère complémentaire nécessaire, on agirait contre la nature et on finirait par avilir la femme et lui enlever le vrai fondement de sa dignité. »[30]

\2. « La fin à laquelle le Créateur a voulu ordonner tout l’être de la femme, c’est la maternité[31]. Cette vocation maternelle lui est tellement propre et connaturelle qu’elle est opérante même lorsque fait défaut la génération corporelle. Si l’on doit, donc, offrir à la femme une aide convenable dans le choix de son travail, dans la préparation et dans le perfectionnement de ses aptitudes particulières, il faut que l’exercice de sa profession soit pour elle un moyen de développer toujours davantage son âme maternelle. Quelle précieuse contribution elle pourrait apporter à la société si elle était à même d’employer plus convenablement ses précieuses énergies, spécialement dans le domaine éducatif, charitable, religieux et apostolique, et de transformer ainsi sa profession en maternité spirituelle multiforme ! Le monde d’aujourd’hui a besoin lui aussi de sensibilité maternelle, pour prévenir et dissiper cette atmosphère de violence, de grossièreté dans laquelle parfois les hommes se débattent. »

\3. « Il faut enfin ne jamais perdre de vue les exigences particulières de la famille. Elle est le centre principal des activités de la femme et sa présence y est indispensable. Malheureusement, les nécessités économiques la contraignent souvent à travailler en dehors de chez elle. Il n’est personne qui ne voie combien cette dispersion d’énergies, cette absence prolongée de la maison empêchent la femme de remplir convenablement ses devoirs d’épouse et de mère. Il en résulte un relâchement des liens familiaux, et la maison cesse d‘être le nid accueillant, chaud, reposant, où chacun refait ses forces à la chaleur de l’affection[32]. C’est précisément pour ramener l’épouse et la mère à sa fonction au foyer que dans l’encyclique Mater et magistra[33], nous avons, nous aussi, comme nos prédécesseurs, exprimé notre sollicitude en faveur d’un salaire suffisant pour faire vivre le travailleur et sa famille. »

En conclusion, il faudrait que les structures sociales permettent « de réaliser un ordre et un équilibre plus conformes à la dignité humaine et chrétienne de la femme. »

Tout en insistant toujours sur l’importance fondamentale de la famille et sur le rôle que la femme y joue, Paul VI va envisager le travail extérieur avec moins de réticences sans doute que ses prédécesseurs.

L’Église prend acte du passage de la société agricole à la société industrielle et des transformations socio-culturelles que cette situation a engendrées notamment dans la vie de la femme : « l’égalité et l’émancipation croissante de la femme par rapport à l’homme ; une nouvelle conception et une nouvelle interprétation de ses rôles d’épouse, de mère, de fille, de sœur ; son accession toujours plus large au travail professionnel, avec des spécialités toujours plus poussées ; sa tendance accentuée à préférer travailler en dehors de chez elle, ce qui ne va pas sans dommages pour les rapports conjugaux et surtout pour l’éducation des enfants, précocement émancipés de l’autorité des parents, et spécialement de la mère. » Malgré ces dommages, le Pape estime que « tout ne doit pas être considéré comme négatif dans ce nouvel état de choses. Dans ce contexte, peut-être pourra-t-il même être plus facile pour la femme d’aujourd’hui et de demain de déployer en plénitude toutes ses énergies. Les expériences erronées de ces dernières années pourront elles-mêmes être utiles si dans la société s’affirment les sains principes de la conscience universelle, pour parvenir à un nouvel équilibre dans la vie familiale et sociale. »

Quels sont ces principes ? « d’abord la différence de fonctions et de nature de la femme par rapport à l’homme, d’où découle l’originalité de son être, de sa psychologie, de sa vocation humaine et chrétienne ; sa dignité ne doit pas être avilie, comme il arrive trop souvent, qu’il s’agisse des mœurs, du travail, de la promiscuité sans discrimination, de la publicité ou du spectacle ; et nous ajouterons : la primauté qui revient à la femme sur tout le domaine humain où se posent plus directement les problèmes de la vie, de la souffrance, de l’assistance, surtout dans la maternité. »

Et Paul VI de formuler trois voeux:

« qu’il soit rendu réellement possible à la femme d’exercer les mêmes fonctions professionnelles, sociales et politiques que l’homme, selon ses capacités personnelles ;[34]

Que, loin d’être méconnues, soient honorées et protégées les prérogatives propres de la femme dans la vie conjugale, familiale éducative et sociale ;

Que soit rappelée et défendue la dignité de sa personne et de son état de célibataire, d’épouse ou de veuve, et que soit donnée à la femme l’assistance qui convient, spécialement lorsque le mari est absent, impotent, en prison, c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas en mesure de remplir sa fonction dans la famille. »[35]

La réflexion de Paul VI s’articule à partir de la nécessité de respecter en même temps l’égalité et la spécificité de la femme.

Rappelant l’égalité de dignité de l’homme et de la femme, Paul VI va condamner toute discrimination y compris dans le choix des fonctions. Il se prononce contre la prostitution, cet « esclavage moderne »[36] mais aussi contre « l’exploitation légale de la femme » et demande aux responsables de « faire évoluer des situations familiales et sociales qui conditionnent encore la femme en la tenant dans un état d’infériorité ». Mieux encore, il déclare à un groupe de femmes : il faut « vaincre l’hostilité, ou pour le moins l’indifférence que l’on a envers votre travail ».⁠[37] Et il ajoutera : « Nous sommes pleinement persuadés que la participation des femmes aux différents niveaux de la vie sociale doit être non seulement reconnue, mais aussi développée et surtout vivement appréciée. Sans doute y a-t-il encore beaucoup de chemin à parcourir dans ce sens. »[38]

Mais, en même temps, il dénonce la « fausse égalité qui nierait les distinctions établies par le Créateur lui-même et qui serait en contradiction avec le rôle spécifique, combien capital, de la femme au cœur du foyer aussi bien qu’au sein de la société. L’évolution des législations doit au contraire aller dans le sens de la protection de sa vocation propre en même temps que de la reconnaissance de son indépendance en tant que personne, de l’égalité de se droits à participer à la vie culturelle, économique, sociale et politique ».⁠[39] Le danger est grand et c’est pourquoi le Saint Père insistera, à plusieurs reprises, sur la sauvegarde de la féminité. A des juristes italiens, il dira : « la véritable émancipation féminine ne consiste pas en une égalité formelle et matérialiste avec l’autre sexe, amis dans la reconnaissance de ce que la personnalité féminine a d’essentiellement spécifique, la vocation de la femme à être mère »[40] Et aux femmes elles-mêmes, après le concile : « avec le IIe Concile du Vatican, nous pensons que les femmes doivent « jouer leur rôle selon leurs aptitudes propres » (GS 60). Et la femme ne doit pas renoncer à son caractère propre. En effet, si elle est « à l’image et à la ressemblance de Dieu », tout comme l’homme et en pleine égalité avec lui, elle l’est d’une façon particulière qui la différencie de l’homme tout autant d’ailleurs que l’homme se différencie de la femme, pour ce qui est non pas de la dignité de leur nature, mais de la diversité de leurs fonctions. »[41] Homme et femme ne doivent pas rivaliser mais se compléter.⁠[42]


1. BARDECHE M., Histoire des femmes, Tome 2, Stock, 1968, p. 422.
2. L’histoire a retenu, à toutes les époques, les noms de femmes qui ont joué un rôle public de premier plan. Lacoste évoque même le rôle d’abbesses qui ont eu juridiction sur le clergé ou ont gouverné des monastères masculins proches adjacents à leur abbaye.
3. BARDECHE M., op. cit.., p. 426.
4. Id..
5. Lacoste qui privilégie cette cause, cite la victoire sur la mortalité des nourrissons et des femmes en couches, la contraception efficace, l’accroissement de la longévité.
6. On songe à toutes ces machines qui ont soulagé considérablement les tâches ménagères qui étaient traditionnellement laissées aux femmes.
7. Le capitalisme de la séduction, Editions sociales, 1981, pp. 102-104.
8. Cf. LEON XIII, Arcanum divinae sapientiae, 10-2-1880. Le Pape y rappelle le caractère sacré du mariage dont une des deux missions n’est « plus seulement de pourvoir à la propagation du genre humain, mais d’engendrer les enfants de l’Église, les concitoyens des saints et les serviteurs de Dieu (…), afin qu’un peuple fût procréé et élevé pour le culte et la religion du vrai Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ (…) ».
9. RN, in Marmy, 450 et 477.
10. Aux femmes italiennes, 21-10-1919.
11. 31-12-1930.
12. In Marmy, 304.
13. In Marmy, 331.
14. In Marmy, 330-331.
15. Reste la manière dont la relation homme-femme est présentée par Léon XIII et Pie XI. Léon XIII relève, dans Arcanum divinae sapientiae tous les éléments positifs de la vision biblique et leur caractère révolutionnaire pour l’époque et même pour aujourd’hui en certains milieux ou contrées. Il rappelle comment l’Évangile revisite la vision de la Genèse obscurcie par le péché des hommes et comment il condamne définitivement toute conception qui ferait de la femme la propriété de l’homme, son objet de plaisir ou d’humiliation. La femme n’est pas une esclave à la merci de l’homme mais une compagne digne, chair de sa chair, os de ses os (Gn 2, 23), dans un amour réciproque constant et fidèle, l’assistance mutuelle, la mise en commun de tous les biens, etc.. Léon XIII reprend aussi la description de la nature de l’amour que l’homme doit à sa femme : « Epoux, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle afin de la sanctifier…​ » (Ep 5, 25-32). Il n’empêche que le passage précédent de l’épître aux Ephésiens (5, 23-24) repris par Léon XIII et Pie XI, résonne désagréablement aux oreilles modernes : « L’homme est le prince de la famille et le chef de la femme (…) elle doit être soumise à son mari et lui obéir (…) le mari est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l’Église. Mais de même que l’Église est soumise au Christ, ainsi les femmes doivent être soumises à leurs maris en toutes choses. » Si l’on ne retient que ce passage (5, 23-24), on trahit le texte et la pensée exprimée est scandaleuse. Si l’on sépare les deux parties et leur commentaire, comme le font Léon XIII et Pie XI, on ne dissipe pas entièrement le malaise. A la suite du concile Vatican II (cf. notamment GS 12, 48-49) Jean-Paul II nous offrira, dans la lettre apostolique Mulieris dignitatem (MD)(15-8-1988), une exégèse globale en partant du point de vue de la femme et en insistant sur « l’unité des deux ». Il n’est plus possible de parler de domination de l’homme sur la femme: « Dépasser ce mauvais héritage, écrit-il, est, de génération en génération, un devoir pour tout être humain, homme ou femme. En effet, dans tous les cas où l’homme est responsable de ce qui offense la dignité personnelle et la vocation de la femme, il agit contre sa propre dignité personnelle et contre sa vocation » ( MD 10). Il n’est plus possible de parler de soumission unilatérale mais d’une soumission réciproque dans la crainte du Christ comme Paul l’avait pourtant bien indiqué en tête du passage trop souvent incriminé de la Lettre aux Ephésiens (5, 21) (MD 24). Il n’y a plus matière à parler d’une infériorité ou d’une faiblesse de la femme. Au contraire, tout au long du texte nourri d’une connaissance profonde des Écritures, sont soulignées la force et la grâce inégalable de la femme (cf., entre autres, MD 18). S’il existe une « entière égalité par rapport aux dons de l’esprit Saint » (MD 22) et si « les ressources personnelles de la féminité ne sont (…) pas moindres que celles de la masculinité, (…) elles sont seulement différentes » (MD10). La féminité se caractérise précisément par la maternité physique, psychologique et spirituelle. L’existence d’une nature féminine est, on le sait, contestée par nombre de féministes qui, à la suite de Simone de Beauvoir (Le deuxième sexe), considèrent qu’ »on ne naît pas femme mais on le devient ». Pour Jean-Paul II, « l’analyse scientifique confirme pleinement le fait que la constitution physique même de la femme et son organisme comportent en eux la disposition naturelle à la maternité, à la conception, à la gestation et à l’accouchement de l’enfant, par suite de l’union nuptiale avec l’homme. Cela correspond en même temps à la structure psycho-physique de la femme. Ce que disent à ce sujet les différentes branches de la science est important et utile, à condition toutefois de ne pas s’en tenir à une interprétation exclusivement bio-physiologique de la femme et de la maternité. Une image ainsi « réduite » irait dans le sens de la conception matérialiste de l’homme et du monde. Dans ce cas, on perdrait malheureusement ce qui est réellement essentiel : la maternité, en tant que fait et phénomène humain, s’explique pleinement à partir de la vérité sur la personne/ la maternité est liée à la structure personnelle de l’être féminin et à la dimension personnelle du don : « J’ai acquis un homme de par le Seigneur (Gn 4, 1). Le Créateur fait aux parents le don de l’enfant. Pour la femme, ce fait se relie d’une manière spéciale à « un don désintéressé de soi ». Les paroles de Marie à l’Annonciation : « qu’il m’advienne selon ta parole ! » ( Lc 1, 38) signifient la disponibilité de la femme au don de soi et à l’accueil de la vie nouvelle ». ( MD 18). Au vu de tout cela, on comprend « la juste opposition de la femme face à ce qu’expriment les paroles bibliques « lui dominera sur toi » » mais « la femme ne peut - au nom de sa libération de la « domination » de l’homme - tendre à s’approprier les caractéristiques masculines, au détriment de sa propre « originalité » féminine » (MD 10).
16. A de nouveaux époux, 25-2-1942. Il ajoute : « Dieu a donné à la femme plus qu’à l’homme, avec le sens de la grâce et de la beauté, le don de rendre aimables et familières les choses les plus simples, et cela précisément parce que, créée semblable à l’homme pour former avec lui une famille, elle est faite pour répandre le charme et la douceur au foyer de son mari et y assurer une vie à deux féconde et florissante ».
17. A de nouveaux époux, 11-3-1942. Cf. Si 26, 16-21: « La grâce d’une femme fait la joie de son mari, et son intelligence répand la vigueur en ses os. C’est un don de Dieu qu’une femme silencieuse, et rien n’est comparable à une femme bien élevée. C’est une grâce au-dessus de toute grâce qu’une femme pudique, et aucun trésor ne vaut une femme chaste. Le soleil se lève dans les hauteurs du Seigneur : ainsi la beauté d’une femme brille dans sa maison bien ornée ».
18. A des ouvrières catholiques, 5-8-1945.
19. A de nouveaux époux, 11-3-1942.
20. A des ouvrières catholiques, 15-8-1945. Il le répétera solennellement encore dans la grande allocution Questa grande (Aux dirigeantes féminines de l’Action catholique italienne, 21-10-1945) : « à travail égal et à prestation égale, la femme a droit à la même rétribution que l’homme ».
21. Allocution Questa grande, 21-10-1945.
22. « L’homme et la femme sont entièrement égaux dans leur dignité personnelle d’enfants de Dieu ; entièrement égaux également en ce qui regarde la fin suprême de la vie humaine, qui est l’union à Dieu dans la béatitude céleste. (…) Mais l’homme et la femme ne peuvent conserver et perfectionner la dignité où ils sont égaux qu’en respectant et en actualisant les qualités particulières que la nature a imparties à l’un et à l’autre : qualités physiques, spirituelles, indestructibles dont il n’est pas possible de bouleverser l’ordre sans que la nature vienne d’elle-même sans cesse le rétablir. »
23. Pie XII déplore « l’abandon de la maison où elle était reine, l’assujettissement de la femme au même fardeau et au même rythme du travail ». Elle a oublié sa vraie dignité et son caractère propre pour servir des objectifs de puissance que ce soit dans le monde communiste ou dans le monde capitaliste. Mais il faut « remettre en honneur dans toute la mesure du possible la mission de la femme et de la mère au foyer ». Les conséquences de l’« abandon » du foyer sont perceptibles : misère, dépenses inutiles, famille disloquée, mauvais exemple pour les filles qui fuiront aussi le travail domestique et peut-être même la maison.
24. « Il ne s’agit pas en effet, pour vous d’entrer en masse dans la carrière politique, dans les assemblées publiques. Et vous devrez, du moins la plupart d’entre vous, donner le meilleur de votre temps et de votre cœur au soin de la maison et de la famille. Nous ne perdons pas de vue que l’édification d’un foyer où tous se sentent à l’aise et heureux, l’éducation des enfants sont, en réalité, une contribution de première valeur au bien commun, un service appréciable dans l’intérêt du peuple entier. »
25. A la fédération des femmes catholiques allemandes, 17-7-1952.
26. Radiomessage au Centre féminin italien, 14-10-1956.
27. PT, n° 42.
28. Au Centre italien féminin, 7-12-1960. Jean XXIII ajoute : « l’indépendance économique de la femme apporte des avantages » avant d’en signaler les inconvénients.
29. Au Congrès sur « La femme et la profession », 6-9-1961.
30. Aux jeunesses catholiques féminines, Jean XXIII dira : « La saine raison et la foi nous enseignent (…) l’éminente dignité de la personne humaine et nous montrent que c’est à son service que le travail doit finalement aboutir. (…) En ce qui concerne le travail de la femme (…), l’Église, dans sa longue tradition, se montre soucieuse de défendre à la fois la dignité de celle qui s’en acquitte et le caractère particulier de celui-ci. Elle estime que la femme comme personne jouit d’une dignité égale à celle de l’homme, mais est chargée par Dieu et par la nature de tâches différentes, qui viennent parfaire et compléter la mission complémentaire (…). »(23-4-1960).
31. qu’est-ce qui doit caractériser le travail féminin, se demande Jean XXIII dans un autre discours ? « Il faut affirmer, répond-il, sans hésiter que la tâche de la femme étant orientée, de près ou de loin, vers la maternité, tout ce qui est œuvre d’amour, de don, d’accueil, tout ce qui est disponibilité aux autres, service désintéressé d’autrui, tout cela trouve une place naturelle dans la vocation féminine. Ainsi l’a voulu la Providence et c’est un devoir capital de veiller soigneusement à ce qu’un travail inadapté à la nature féminine ne vienne pas altérer par son action déformante la personnalité des jeunes travailleuses. (…) On peut même penser qu’une tâche bien adaptée ne contribuera pas peu à épanouir la vie surnaturelle des jeunes chrétiennes et permettra de plus à certaines d’entre elles d’entendre l’appel du Seigneur à une vocation religieuse, qui se situe au sommet de leur nature et par laquelle elles participent activement à la maternité spirituelle de l’Église. » (Id.).
32. Ailleurs il détaillera les problèmes qui surgissent en ce qui concerne la mission fondamentale de la femme, « qui est de former de nouvelles créatures ». Des problèmes dans la vie de famille, dans le soin et l’éducation des petits, le repos diminué et troublé, les difficultés dans la sanctification des fêtes et l’accomplissement des devoirs religieux. La femme, confrontée à des « tâches plus vastes », à des responsabilités différentes et inattendues, est menacée dans sa vie physique, psychique et spirituelle. L’homme aussi pâtit de cette situation nouvelle : « On sait que le travail, comme il est naturel, fatigue et qu’il peut amoindrir la personnalité ; parfois aussi, il humilie et mortifie. En rentrant à la maison, après de longues heures d’absence, avec parfois les dissipations que l’on peut imaginer, l’homme trouvera-t-il un refuge, la restauration de ses énergies, une compensation à l’aridité et à l’ambiance mécanique qui l’entourent ? » (Au Centre italien féminin, 7-12-1960).
33. « …​que soit accordée aux travailleurs une rémunération qui leur permette avec un niveau de vie vraiment humain, de faire face avec dignité à leurs responsabilités familiales. » (N° 72).
34. Evoquant les diverses vocations de la femme, au Centre italien féminin, le 30 mai 1965, Paul VI déclare: « l’Église, comme si elle canonisait ces vocations, doucement, fortement, les situe au foyer, à l’école, au bureau, dans les campagnes, et même dans la vie publique. Elle sait que dans la communauté des fidèles, la première à comprendre sa parole évangélique, à accueillir l’offre de ses dons surnaturels, c’est la femme, la femme pieuse, sensible, constante, généreuse et souvent héroïque. »
35. Au Congrès des juristes catholiques italiens, 7-12-1974.
36. A la Fédération abolitionniste internationale, 9-5-1966.
37. Au Comité pour la défense de la femme, 22-11-1971.
38. Au Centre italien féminin, 6-12-1976.
39. Octogesima adveniens, 14-5-1971.
40. 9-12-1972.
41. Au Centre italien féminin, 6-12-1976.
42. Au nom de Paul VI, le Secrétaire d’État avait précédemment écrit au président des Semaines sociales (17-6-1972) : « Au moment où l’on tend heureusement à mettre en valeur les responsabilités communes de l’homme et de la femme, dans les divers secteurs de la vie familiale, professionnelle, sociale, politique, il importe d’autant plus de bien situer ce qui constitue leur différence mutuelle et profonde. Il serait irritant de vouloir en faire une théorie à partir du pur dimorphisme sexuel ; mais il y a sans doute beaucoup de lumière à espérer d’une recherche qui montrerait comment l’être corporel de chacun manifeste deux manières très originales de réaliser l’être humain dans le monde, selon le dessein primordial du Créateur : « Il les créa homme et femme » (Gn 1, 27). Certes, la culture intervient toujours pour donner son expression et sa signification à cette différence naturelle. Mais, à considérer par trop cette différence comme un simple produit de l’histoire, on méconnaîtrait la réalité. Histoire et nature sont intimement mêlées. »