⁢b. Telle n’est pas l’attitude de l’Église.

Dès le texte de la Genèse, est affirmée la destination universelle des biens. Dieu fait alliance avec tous les hommes auxquels il confie la gestion de la terre : « Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. » Dieu dit : « Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture »[1]. Quand Dieu renouvellera son alliance avec Noé et ses fils, il leur dira : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre. Soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comm1e de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. »[2]

L’humanité représente désormais Dieu sur terre. L’auteur du Livre de la Sagesse s’adresse à Dieu en disant bien : « toi qui, par ta sagesse, as formé l’homme pour dominer sur les créatures que tu as faites, pour régir le monde en sainteté et justice et exercer le jugement en droiture d’âme (…) »⁠[3] . Il n’est donc pas étonnant d’entendre cette recommandation : « qu’il n’y ait pas de pauvre chez toi. Car Yahvé ne t’accordera sa bénédiction dans le pays que Yahvé ton Dieu te donne en héritage pour le posséder, que si tu écoutes vraiment la voix de Yahvé ton Dieu, en gardant et pratiquant tous ces commandements que je te prescris aujourd’hui »[4]. La mission de l’humanité est claire : nous devons agir comme le Seigneur⁠[5] et donc veille à ce qu’il n’y ait pas de pauvres ! Mais cet idéal ne peut être réalisé qu’à la condition d’obéir aux dix « paroles » de Dieu. C’est dire, en même temps, que l’idéal restera un idéal toujours hors d’atteinte : : « Certes, les pauvres ne disparaîtront point de ce pays ; aussi je te donne ce commandement : Tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays. »[6]


1. Gn 1, 28-29.
2. Gn 9, 1-3.
3. Sg 9, 2-3.
4. Dt 15, 4-5.
5. « Nous avons l’autorité sur la création dans la mesure seulement où nous sommes images du Seigneur. Et il a voulu partager avec nous sa souveraineté, parce que « les biens des amis sont en commun », et il s’est fait notre ami par l’intermédiaire du Verbe, son image, selon laquelle nous avons été créés. Nous sommes également héritiers du Créateur parce qu’il nous a créés pour être ses enfants. Cette qualité d’héritiers, ajoutée au fait que nous sommes images de Dieu, nous oblige à agir comme Dieu lui-même, qui a tout créé non pas pour son propre avantage, mais pour en faire bénéficier tous les hommes » (SANCHEZ, Carlos Ignacio sj, Université grégorienne, Rome, Aspects patristiques, in Une terre pour tous les hommes, La destination universelle des biens, Actes du colloque international organisé par le Conseil pontifical « Justice et Paix », 13-15 mai 1991, Centurion, 1992, pp. 17-18).
6. Dt 15, 11.