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v. La justice selon Aristote...

[1]

L’Ethique à Nicomaque s’ouvre sur une affirmation essentielle : « Tout art et toute recherche, de même que toute action et toute délibération réfléchie, tendent, semble-t-il, vers quelque bien Aussi a-t-on eu parfaitement raison de définir le bien : ce à quoi on tend en toutes circonstances. »[2] Nous poursuivons donc des biens mais qu’est-ce que le bien ? Le « souverain bien » puisque les fins particulières que nous recherchons le sont aussi en vue d’une fin que nous voulons pour elle-même, « fin dernière », « bien suprême »[3], « fin parfaite » est identifiée au bonheur « car nous le cherchons toujours pour lui-même, et jamais pour une autre raison. Pour les honneurs, le plaisir, la pensée et toute espèce de mérite, nous ne nous contentons pas de chercher à les atteindre en eux-mêmes - car même s’ils devaient demeurer sans conséquences, nous les désirerions tout autant - nous les cherchons aussi en vue du bonheur, car nous nous figurons que par eux nous pouvons l’obtenir. Mais le bonheur n’est souhaité par personne en vue des avantages que nous venons d’indiquer, ni, en un mot, pour rien d’extérieur à lui-même. »[4] « Fin » en grec se dit « telos », on appellera donc la morale d’Aristote « téléologique ». On dira aussi que c’est un « eudémonisme » puisqu’elle est ordonnée au bonheur (« eudemonia »).

Notons aussi que le bonheur n’est pas seulement le bien suprême de l’individu. Celui-ci est un être social, vit au sein de communautés et donc « puisque toute cité, nous le voyons, est une certaine communauté, et que toute communauté a été constituée en vue d’un certain bien (car c’est en vue de ce qui leur semble un bien que tous les hommes font ce qu’ils font), il est clair que toutes les communautés visent un certain bien et que, avant tout, c’est le bien suprême entre tous que vise celle qui est la plus éminente de toutes et qui contient toutes les autres. Or, c’est celle que l’on appelle la cité, c’est-à-dire la communauté politique. »[5] C’est pourquoi Aristote peut écrire que son Ethique à Nicomaque « est, en quelque sorte, un traité de politique ».⁠[6] C’est en vue du bonheur donc que les hommes s’associent, en vue de leur plénitude qui ne peut se concevoir en dehors de la cité : « la cité fait partie des choses naturelles, et (…) l’homme est par nature un animal politique, et (…) celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard, est soit un être dégradé soit un être surhumain ».⁠[7] La cité est la plus parfaite des communautés parce qu’elle se suffit à elle-même alors que dans les autres communautés, les hommes manquent toujours de quelque chose et ne peuvent donc être pleinement heureux.

Mais qu’est-ce que le bonheur ? « Une certaine activité de l’âme conforme à la vertu » répond Aristote. « Quant aux autres biens, les uns, de toute nécessité, sont à notre disposition, tandis que les autres sont auxiliaires, fournis par la nature comme d’utiles instruments ».⁠[8] Vivre conformément à la raison, est la « vie bonne », vertueuse.

Mais qu’est-ce que la vertu ? C’est « une disposition acquise volontaire, consistant par rapport à nous, dans la mesure, définie par la raison conformément à la conduite d’un homme réfléchi. Elle tient la juste moyenne entre deux extrémités fâcheuses, l’une par excès, l’autre par défaut »[9]. Ainsi, « La juste moyenne en ce qui concerne l’argent qu’on donne ou qu’on reçoit prend le nom de générosité ; l’excès et le défaut à ce sujet les noms de prodigalité et d’avarice. Les deux manières d’être sont en complète opposition dans l’excès et le défaut. En effet, le prodigue est dans l’excès en faisant des largesses, dans le défaut lorsqu’il reçoit ; tandis que l’avare exagère quand il prend et pèche par défaut pour la dépense. »[10] La « juste moyenne » est une notion fondamentale dans l’analyse des vertus. Aristote définira encore, par exemple, le courage comme « un juste milieu entre la peur et l’audace »[11] et la tempérance comme « un juste milieu relativement aux plaisirs »[12].

Les hommes réputés libres et égaux n’acquièrent et ne vivent pleinement la vertu qu’au sein de la cité où « la loi prescrit (…) de vivre conformément à toutes les vertus et interdit de s’abandonner à aucun vice »[13]. Il ne faut pas oublier cette fonction de la loi car c’est cette conjonction de l’éthique et du politique qui permet à Aristote d’établir l’idée-force de sa démonstration : « Le juste nous fait nous conformer aux lois et à l’égalité ; l’injuste nous entraîne dans l’illégalité et l’inégalité »[14] car « l’homme injuste veut avoir pour lui plus qu’il ne lui est dû…​ »[15]

Dès lors, « (…) tous les actes conformes aux lois sont de quelque façon justes. Puisque ce qui est fixé par le législateur est légal, nous déclarons que chacune de ces prescriptions est juste. Les lois se prononcent sur toutes choses et ont pour but l’intérêt commun, soit celui des chefs - cela conformément à la vertu ou de quelque manière analogue. Aussi appelons-nous d’une seule expression : le juste, ce qui est susceptible de créer ou de sauvegarder, en totalité ou en partie, le bonheur de la communauté politique »[16]

C’est pourquoi, « (…) seule de toutes les vertus, la justice paraît être un bien qui ne nous est pas personnel, puisqu’elle intéresse les autres. N’accomplit-elle pas ce qui leur est utile, qu’il s’agisse des magistrats ou du reste des citoyens ? Si le pire des hommes est celui qui montre de la perversité et envers lui-même et envers ses amis, le meilleur n’est pas celui qui pratique la vertu seulement par rapport à lui-même, mais celui qui l’observe envers autrui ; car c’est là le difficile. Cette justice ainsi entendue n’est pas une vertu partielle, mais une vertu complète, de même que l’injustice, son contraire, n’est pas un vice partiel, mais un vice complet. »[17] Il précise : « ...l’injustice totale, nous voulons dire celle qui consiste à violer la loi ».⁠[18]

Aristote insiste et poursuit sa réflexion : « ..l’injuste : ce qui est illégal et inégal ; le juste : ce qui est prescrit par la loi et ce qui s’accorde avec l’égalité. (…) Mais, puisque ce qui est contraire à l’égalité se distingue de ce qui va à l’encontre des lois et que l’un est comme une partie relativement au tout - car tout ce qui est contraire à l’égalité va à l’encontre de la loi sans que ce qui va à l’encontre de la loi soit toujours entaché d’inégalité -, il s’ensuit que l’injuste et l’injustice se distinguent (…) tantôt comme parties du tout, tantôt comme le tout lui-même - la forme de l’injustice qui résulte de l’inégalité étant une partie de l’injustice totale, de même que la justice, sous un certain point de vue, est une partie de la justice totale -. Dans ces conditions, il faut parler de la justice et de l’injustice qui ne sont que partielles ; il faut en faire autant à propos du juste et de l’injuste. »[19]

« Puisque l’injuste ne respecte pas l’égalité et que l’injustice se confond avec l’inégalité, il est évident qu’il y a une juste mesure relativement à l’inégalité. Cette juste moyenne, c’est l’égalité. Dans les actes qui comportent le plus et le moins, il y a place pour une juste moyenne. (…) L’égal suppose au moins deux termes. Il faut donc que le juste, qui est à la fois moyenne et égalité, ait rapport à la fois à un objet et à plusieurs personnes. Dans la mesure où il est juste moyenne, il suppose quelques termes : le plus et le moins, - dans la mesure où il est égalité : deux personnes ; dans la mesure où il est juste : des personnes d’un certain genre. »[20] Aristote va introduire une distinction qui fera désormais fortune dans toutes les réflexions ultérieures sur la notion de justice : « Si les personnes ne sont pas égales, elles n’obtiendront pas dans la façon dont elles sont traitées l’égalité. De là viennent les disputes et les contestations, quand des personnes sur le pied d’égalité n’obtiennent pas des parts égales, ou quand des personnes, sur le pied d’inégalité, ont et obtiennent un traitement égal. »[21] La justice partielle⁠[22] « a un premier aspect, distributif, qui consiste dans la répartition des honneurs, ou des richesses, ou de tous les autres avantages qui peuvent échoir aux membres de la cité. Sur ces points, il est possible qu’il y ait inégalité, et aussi égalité de citoyen à citoyen. L’autre aspect est celui de la justice relative aux contrats. Cette dernière se divise en deux parties : parmi les relations, les unes sont volontaires, les autres involontaires. En ce qui concerne les premières, citons, par exemple, la vente, l’achat, le prêt à intérêts, la caution, la location, le dépôt, le salaire. On les appelle volontaires parce que leur principe est librement consenti. Parmi les relations involontaires, les unes sont clandestines, par exemple le vol, l’adultère, l’empoisonnement, la prostitution, le détournement d’esclave, le meurtre par ruse, le faux témoignage. Les autres sont des actes de violence comme les coups et blessures, l’emprisonnement, le meurtre, le pillage, la mutilation, la diffamation, l’outrage. »[23]

« La justice distributive (…), en ce qui concerne les biens de l’état, doit présenter toujours la proportion que nous avons indiquée. Quand il s’agit de partager les ressources communes, cette distribution se fera proportionnellement à l’apport de chacun, l’injuste, c’est-à-dire l’opposé du juste ainsi conçu, consistant à ne pas tenir compte de cette proportion. » Cette proportion est géométrique puisque les mérites sont différents.

Par contre, « le juste dans les contrats consiste en une certaine égalité, l’injuste en une certaine inégalité. Toutefois, il ne saurait être question de la proportion géométrique, mais de la proportion arithmétique. Car peu importe que ce soit un homme distingué qui ait dépouillé un homme de rien, ou réciproquement ; peu importe que l’adultère ait été commis par l’un ou l’autre de ces deux hommes ; la loi n’envisage que la nature de la faute, - sans égard pour les personnes qu’elle met sur un pied d’égalité. Il lui importe peu que ce soit un tel ou un tel qui commette l’injustice ou qui la subisse, un tel ou un tel qui cause le dommage ou en soit victime. En conséquence, cette injustice qui repose sur l’inégalité, le juge s’efforce de la corriger. »[24] On appellera cette justice « corrective » : « …la justice corrective serait le juste milieu entre la perte de l’un et le gain de l’autre »[25] et « …​ce qui est égal est intermédiaire entre le plus et le moins, selon la proportion arithmétique. »[26]

Après avoir distingué justice distributive selon une proportion géométrique et justice corrective suivant une proportion arithmétique⁠[27], Aristote va évoquer la justice sociale (politikon dikaion) qui ne peut se réaliser que sur la base des précédentes : « …​le juste dans la société (…) existe entre gens qui vivent ensemble[28], afin de maintenir leur indépendance, je veux dire des hommes libres et égaux, soit proportionnellement, soit arithmétiquement. Aussi quand ces conditions ne sont pas réalisées, n’y a-t-il pas entre les individus de justice sociale, mais une sorte de justice qui ne lui ressemble que vaguement. Car la justice n’existe que quand les hommes sont aussi liés par la loi ; par conséquent, la loi existe également quand l’injustice est possible, puisque la justice est la capacité de discerner le juste et l’injuste. »[29]

Notons encore deux remarques que fait Aristote et qui me paraissent utiles:

« …​l’action juste occupe le milieu entre l’injustice qu’on commet et celle qu’on subit, celle-là consistant à obtenir plus, celle-ci à obtenir moins qu’on ne doit. »[30]

Et « A tout prendre, commettre l’injustice est plus grave que la souffrir ; car l’acte injuste va de pair avec la méchanceté et comporte le blâme, qu’il s’agisse d’une méchanceté totale ou simplement en approchant (…). Au contraire, l’injustice subie ne comporte ni méchanceté ni injustice ».⁠[31]

Il est enfin très important de constater qu’Aristote ne déifie pas la justice. Non seulement, il est bien conscient que « dans les actes injustes et justes, l’événement a sa place »[32] mais qu’il peut y avoir un dépassement de la justice par l’équité : « …le juste et l’équitable, écrit-il, sont identiques et, quoique tous deux soient désirables, l’équité est cependant préférable. Ce qui cause notre embarras, c’est que ce qui est équitable, tout en étant juste, ne l’est pas conformément à la loi ; c’est comme une amélioration de ce qui est juste selon la loi. (…) Ce qui est équitable est (…) juste, supérieur même en général au juste, non pas au juste en soi, mais au juste qui, en raison de sa généralité, comporte de l’erreur. La nature propre de l’équité consiste à corriger la loi, dans la mesure où celle-ci se montre insuffisante, en raison de son caractère général. »[33] Quant au « juge d’équité », « c’est l’homme qui de propos délibéré se décide et agit pratiquement ; ce n’est pas l’homme d’une justice tatillonne et enclin à adopter la solution la moins favorable pour les autres ; il est toujours prêt à céder de son dû, bien qu’il puisse invoquer l’aide de la loi ; sa disposition ordinaire est l’équité, qui est une variété de la justice et une disposition qui n’en diffère pas. »[34]

L’amélioration du juste implique l’intelligence certes mais aussi cette amitié qui, pour Aristote « semble encore être le lien des cités et attirer le soin des législateurs, plus même que la justice. La concorde, qui ressemble en quelque mesure à l’amitié, paraît être l’objet de leur principale sollicitude, tandis qu’ils cherchent à bannir tout particulièrement la discorde, ennemie de l’amitié. d’ailleurs, si les citoyens pratiquaient entre eux l’amitié, ils n’auraient nullement besoin de la justice ; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l’amitié ; et la justice, à son point de perfection, paraît tenir de la nature de l’amitié. »[35]

Ce bref parcours à travers l’Ethique à Nicomaque doit être mis en rapport avec ce que nous avons déjà vu⁠[36] de la conception politique générale d’Aristote : la justice générale prescrit les actes selon la loi et l’égalité, étant entendu que la loi, naturelle ou conventionnelle, est ordonnée au bien et que l’égalité ne s’entend qu’entre personnes égales. « Formée à l’origine simplement pour satisfaire les besoins élémentaires de la vie, (la société politique) atteint finalement la possibilité de vivre bien ».⁠[37] Le « vivre bien » requiert la vertu de chaque citoyen et des biens matériels suffisants: « la vie la meilleure, pour un particulier ou pour les États, c’est celle qui est fondée sur la vertu quand une quantité suffisante de biens économiques permettent qu’on puisse participer aux actes conformes à la vertu ».⁠[38]

Retenons que la vision d’Aristote est bien « téléologique » puisque la justice est une vertu qui ordonne au bien commun les actes d’hommes libres et égaux soit géométriquement soit arithmétiquement.


1. Platon, avant Aristote, a longuement médité sur la notion de justice. Dans la République, il affirme que par la raison, l’homme peut découvrir une justice objective qui est le plus grand des biens tant pour la cité que pour l’individu. Une société juste est une société harmonieuse, cohérente et ordonnée où chacun accomplit la tâche qui lui a été dévolue en fonction de ses aptitudes : « Ce principe qui ordonne à chacun de remplir sa propre fonction pourrait bien être, en quelque manière, la justice. (…) Dans la cité, le complément des vertus que nous avons examinées, tempérance, courage et sagesse, est cet élément qui leur a donné à toutes le pouvoir de naître, et, après leur naissance, les sauvegarde tant qu’il est présent. Or nous avons dit que la justice serait le complément des vertus cherchées, si nous trouvions les trois autres. (…) Cependant, s’il fallait décider quelle est celle de ces vertus qui par sa présence contribue surtout à la perfection de la cité, il serait difficile de dire si c’est la conformité d’opinion entre les gouvernants et les gouvernés, la sauvegarde, chez les guerriers, de l’opinion légitime concernant les choses qui sont ou ne sont pas à craindre, la sagesse et la vigilance des chefs, ou bien si ce qui contribue surtout à cette perfection c’est la présence, chez l’enfant, la femme, l’esclave, l’homme libre, l’artisan, le gouvernant et le gouverné, de cette vertu par laquelle chacun s’occupe de sa propre tâche et ne se mêle point de celle d’autrui. (…) Ainsi la force qui chaque citoyen dans les limites de sa propre tâche, concourt pour la vertu d’une cité, avec la sagesse, la tempérance et le courage de cette cité. (…) La justice consiste à ne détenir que les biens qui nous appartiennent en propre et à n’exercer que notre propre fonction. »(IV) Ainsi se dessine un système hiérarchisé, technocratique pourrait-on dire, à vocation totalitaire (cf. Dictionnaire des philosophes, sous la direction de Denis Huisman, PUF, 1984, pp. 2072-2079).
2. I, I, 1. Traduction de Jean Voilquin, Garnier, 1940.
3. I, II, 1.
4. I, VII, 5.
5. Politique, I, I, IX.
6. I, III, 1.
7. I, II, 3.
8. I, IX, 7.
9. II, VI, 15. « Dans tout objet homogène et divisible, explique Aristote, nous pouvons distinguer le plus, le moins, l’égal, soit dans l’objet même, soit par rapport à nous. Or l’égal est intermédiaire entre l’excès et le défaut. d’autre part j’appelle position intermédiaire dans une grandeur ce qui se trouve également éloigné des deux extrêmes, ce qui est un et identique partout. Par rapport à nous, j’appelle mesure ce qui ne comporte ni exagération, ni défaut. Or, dans notre cas cette mesure n’est ni unique, ni partout identique. Par exemple, soit la dizaine, quantité trop élevée, et deux quantité trop faible. Six sera le nombre moyen par rapport à la somme, parce que six dépasse deux de quatre unités et reste d’autant inférieur à dix. Telle est la moyenne selon la proportion arithmétique. Mais il ne faut pas envisager les choses de cette façon par rapport à nous. Ne concluons pas du fait que dix mines ( La mine valait 100 drachmes) de nourriture constituent une forte ration et deux mines une faible ration, que le maître de gymnastique en prescrira six à tous les athlètes. Car une semblable ration peut être, selon le client, excessive ou insuffisante. Pour un Milon (Athlète célèbre au VIe siècle av. J.-C.), elle peut être insuffisante, mais pour un débutant elle peut être excessive. (…) Ainsi tout homme averti fuit l’excès et le défaut, recherche la bonne moyenne et lui donne la préférence, moyenne établie non relativement à l’objet, mais par rapport à nous » (II, VI, 4-8).
10. II, VII, 4.
11. III, VI, 1.
12. III, X, 1. Aristote le répète sans cesse : il faut « adopter le juste milieu et éviter l’excès et le défaut » car « le juste milieu est conforme à ce que prescrit la droite raison » (VI, I, 1).
13. V, I, 10. Rappelons-nous qu’il y a les prescriptions de justice fondées sur la nature et partout pareilles et les prescriptions qui sont fondées sur les conventions entre les hommes qui ne sont pas semblables partout (cf. V,VI, 5).
14. V, I, 8.
15. V, I, 9.
16. V, I, 12-13.
17. V,I,17-19.
18. V,II, 3.
19. V, II, 8-9.
20. V, III, 1-4.
21. V, III, 6.
22. Partielle ou particulière parce qu’elle est liée à une situation particulière, celle de la distribution ou de l’échange.
23. V, II, 12-13.
24. V, IV, 2-4.
25. V, IV, 6.
26. V, IV, 9. Ce langage ne doit pas nous étonner. Comme l’explique H. Bergson, « la justice a toujours évoqué des idées d’égalité, de proportion, de compensation. Pensare, d’où dérivent « compensation » et « récompense », a le sens de peser ; la justice était représentée avec une balance. Equité signifie égalité. Règle et règlement, rectitude et régularité, sont des mots qui désignent la ligne droite. Ces références à l’arithmétique et à la géométrie sont caractéristiques de la justice à travers le cours de son histoire. La notion a dû se dessiner déjà avec précision dans les échanges. Si rudimentaire que soit une société, on y pratique le troc ; et l’on ne peut le pratiquer sans s’être demandé si les deux objets échangés sont bien de même valeur, c’est-à-dire échangeables contre un même troisième. Que cette égalité de valeur soit érigée en règle, que la règle s’insère dans les usages du groupe, que le « tout de l’obligation » (…) vienne ainsi se poser sur elle : voilà déjà la justice sous sa forme précise, avec son caractère impérieux et les idées d’égalité et de réciprocité qui s’attachent à elle. -Mais elle ne s’appliquera pas seulement aux échanges de choses. Graduellement elle s’étendra à des relations entre personnes (…). » (Les deux sources de la morale et de la religion, in Œuvres, op. cit., p. 1033).
27. Notons que nous sommes loin de la loi du talion qui « ne s’accorde ni avec la justice distributive ni avec la justice corrective » (V, V, 2).
28. Le vivre ensemble est lié au besoin que les hommes ont les uns des autres, à leurs différences donc qui permettent l’échange par l’intermédiaire de la monnaie Il faut « que toutes choses soient en quelque sorte comparables, quand on veut les échanger. C’est pourquoi on a recours à la monnaie, qui est, pour ainsi dire, un intermédiaire. » Il n’y aurait ni échange ni communauté de rapports « s’il n’existait un moyen d’établir l’égalité entre des choses dissemblables. Il est donc nécessaire de se référer pour tout à une mesure commune (…). Et cette mesure, c’est exactement le besoin que nous avons les uns des autres, lequel sauvegarde la vie sociale ; car sans besoin, et sans besoins semblables, il n’y aurait pas d’échanges, ou les échanges seraient différents. La monnaie est devenue, en vertu d’une convention, pour ainsi dire, un moyen d’échange pour ce qui nous fait défaut » (V, V, 10-11). « Quant au fait que c’est le besoin qui maintient la société, comme une sorte de lien, en voici la preuve : que deux personnes n’aient pas besoin l’une de l’autre, ou qu’une seule n’ait pas besoin de l’autre, elles n’échangent rien. C’est le contraire si l’on a besoin de ce qui est la propriété d’une autre personne, par exemple du vin, et qu’on donne du blé à emporter. Voilà pourquoi ces produits doivent être évalués. (…) Il est nécessaire que toutes choses soient évaluées ; dans ces conditions, l’échange sera toujours possible et par suite la vie sociale. Ainsi la monnaie est une sorte d’intermédiaire qui sert à apprécier toutes choses en les ramenant à une commune mesure. Car s’il n’y avait pas d’échanges, il ne saurait y avoir de vie sociale ; il n’y aurait pas davantage d’échange sans égalité, ni d’égalité sans commune mesure. » (V,V, 14).
29. V,VI, 4.
30. V,V, 17.
31. V, XI, 7.
32. V,VIII, 4. Nous dirions « circonstances » atténuantes ou aggravantes.
33. V, X, 2-6.
34. V, X, 8.
35. VIII, I, 4. Van Parijs semble faire écho à ce passage lorsqu’il écrit, comme nous l’avons vu, que l’altruisme et l’homogénéité rendraient la question de la justice inutile (Cf. supra).
36. Tome III, chapitre 4.
37. Politique, I, 1, 1252 b 29-30.
38. Economique, 1324 a.